Les peuples autochtones : des réalités méconnues à tout point de vue

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Louise Brossard
Chercheuse en éducation des adultes
Institut de coopération pour l’éducation des adultes

RÉSUMÉ

La colonisation de l’Amérique du Nord s’est accompagnée d’un mépris des communautés et de la culture autochtones. Des générations de Québécoises et de Québécois ont grandi dans la méconnaissance, les stéréotypes, les préjugés et le racisme envers les Autochtones; une situation qui perdure encore aujourd’hui. Le présent article vise à combler en partie cette lacune en dressant un portrait des réalités éducatives des Autochtones.

Au Canada, le terme Autochtones désigne les Premières Nations, les Métis et les Inuits. Ces trois peuples formaient 4,9 % de la population canadienne en 2016. Les Autochtones du Canada et du Québec présentent des différences importantes. Le Québec est l’avant-dernière province où la présence autochtone est la plus faible. On compte onze nations différentes qui partagent neuf langues. Il s’agit des Abénakis, Algonquins, Attikameks, Cris, Hurons-Wendats, Innus (Montagnais), Malécites, MicMacs, Mohawks, Naskapis et Inuits.

Étant donné que les premiers Européens ont posé les pieds d’abord au Québec, les peuples autochtones ont été pour la plupart dévastés lors de la colonisation. Ce faisant leur présence dans la vallée du Saint-Laurent s’est grandement réduite. C’est pourquoi, au Québec, la plupart des communautés autochtones se trouvent dans le Grand Nord, en région moins urbanisée. Cela dit, au fil des années, de plus en plus d’Autochtones migrent vers les villes atteignant plus de 50 % de l’ensemble des Autochtones.

L’histoire et les lois coloniales ont eu un impact dévastateur sur les plans culturel, politique, économique et social qui se fait sentir encore aujourd’hui. C’est ce qui explique, entre autres, les faibles taux de scolarité des Autochtones : 27 % sont sans diplôme, comparativement à 13 % chez les non-Autochtones; 11 % possèdent un diplôme universitaire comparativement à 26 % chez les non-Autochtones.

Cette faible scolarité a un impact négatif sur leur taux d’emploi et leurs revenus. Cet héritage colonial complique également le partage des pouvoirs en matière d’éducation des Autochtones entre les gouvernements fédéral, québécois et, parfois, autochtones.

Cela dit, les Autochtones partagent une vision holistique de l’apprentissage sur laquelle on peut s’appuyer pour améliorer leur situation. Non seulement cette vision est porteuse peur eux, mais elle peut inspirer les non-Autochtones. Elle présente des points communs avec la vision du monde de l’éducation des adultes qui ne peut qu’être bénéfique à l’ensemble des sociétés.

D’autres pistes d’action sont mises de l’avant par les Autochtones eux-mêmes depuis de nombreuses années. Par exemple, reconnaître et solutionner les torts faits par les pensionnats et le colonialisme, contrer le racisme, améliorer les conditions de vie préalables à l’éducation, donner plus d’autonomie aux nations en matière d’éducation, assurer un financement égalitaire des structures éducatives autochtones, soutenir les organisations communautaires autochtones agissant sur ou en périphérie de l’éducation, etc.

Les non-Autochtones ont très certainement à faire des efforts, tant individuellement que collectivement, pour mieux connaître les réalités des Autochtones, créer des ponts avec eux et apprendre de leurs savoirs. L’ICÉA désire contribuer à cet effort en écrivant cet article et en organisant une activité publique le 9 mai 2019. Les détails seront communiqués sur notre site Web. L’invitation est lancée!

Cliquez ici pour consulter la carte des communautés autochtones du Québec.


INTRODUCTION

Cet article porte sur les réalités éducatives des Autochtones. La recherche et la rédaction de cet article ont permis de réaliser l’immense méconnaissance qui reste à combler. Par Autochtones, nous entendons les Premières Nations, les Inuits et les Métis. Cet article est le troisième d’une série portant sur les groupes marginalisés ou précarisés au plan éducatif. L’objectif de cette série est de mieux connaître les réalités éducatives de ces groupes, d’en comprendre les causes et de présenter des pistes permettant de réduire les inégalités.

Les données concernant les peuples autochtones sont depuis longtemps insuffisantes. Il est difficile d’obtenir des informations sur les réalités qui prévalent en communauté. Précisons que le terme « communauté » est ici privilégié à celui de « réserve » et inclut les villages inuits.

Statistique Canada évoque la difficulté d’entrer dans les communautés pour réaliser des enquêtes. Or, l’histoire coloniale du Canada a créé une méfiance de la part des Autochtones à l’égard des institutions canadiennes et québécoises. D’où la difficulté d’enquêter dans certaines communautés. Aussi, les Autochtones contestent l’image plutôt négative qui transpire de ces études (pauvreté, alcoolisme, toxicomanie, suicide, violences sexuelles et physiques, etc.) et cherchent à mettre en valeur leurs forces.

En ce qui concerne les Autochtones vivant hors communauté, les échantillons sont souvent petits de sorte que le portrait qui en est tiré reste parcellaire. Cela dit, grâce aux différentes actions menées par les communautés autochtones, les enquêtes et les recherches se multiplient et l’intérêt pour l’amélioration de leurs conditions de vie augmente.

Afin d’apporter sa contribution, l’ICÉA propose cet article qui se divise en quatre parties. La première propose un aperçu des réalités éducatives des Autochtones. Cette partie débute par une brève description du partage des pouvoirs en matière d’éducation entre les gouvernements fédéral et québécois. Un partage plus que complexe. Nous ferons ensuite un tour d’horizon des institutions d’enseignement qui s’adressent aux adultes autochtones. Suivra une présentation de la vision holistique de l’éducation des Autochtones et des indicateurs de réussite éducative qui en découlent. Enfin, cette partie se conclut sur la présentation des taux de scolarité des Autochtones.

Compte tenu des politiques colonialistes qui ont cours au Canada depuis des siècles à l’égard des Autochtones, il n’est pas étonnant que leurs taux de scolarité soient moins élevés que ceux des non-Autochtones. À leur tour, ces faibles taux de scolarité agissent négativement sur un ensemble de conditions socioéconomiques. La ministre des Services aux Autochtones, Mme Jane Philpott, a reconnu que « ces terribles écarts socioéconomiques [existent] parce que les droits des peuples autochtones ont été niés tout au long de l’histoire de notre pays » (Vastel, Le Devoir: 28 décembre 2018). La deuxième partie met en lien les taux de scolarité et les taux d’emploi, de chômage et de revenus.

La troisième partie décrira un certain nombre de causes expliquant ces inégalités en matière d’éducation.

Grâce aux luttes menées par les Autochtones depuis plusieurs décennies, de plus en plus d’actions sont prises pour améliorer leurs réalités, notamment au plan éducatif. La quatrième partie vise justement à donner un aperçu des solutions visant à redresser les inégalités en matière d’apprentissage. D’entrée de jeu, soulignons que le gouvernement fédéral a donné comme mandat aux deux ministres responsables des relations avec les autochtones le soin de « se débarrasser des “structures coloniales actuelles”, [de] rehausser le statut socioéconomique des Autochtones et de faire progresser leur autonomie gouvernementale » (Vastel, Le Devoir: 28 décembre 2018).

Portrait général des nations autochtones au Canada au Québec

La situation des nations autochtones au Canada et au Québec est souvent méconnue des non-Autochtones. C’est pourquoi nous proposons tout d’abord de dresser un portrait général.

La présence autochtone au Canada et au Québec montre des différences qui nécessitent des portraits distincts que vous trouverez aux encadrés 1 et 2.




Les personnes autochtones du Québec présentent plusieurs caractéristiques différentes de celles du Canada. Étant donné que les premiers Européens ont posé les pieds d’abord au Québec :

« les populations autochtones de ces régions [au Québec] ont largement été décimées lors de la période de colonisation. Même s’il reste des communautés autochtones dans la vallée du Saint-Laurent, ces Nations proviennent de vague de migrations plus tardives. La concentration des Autochtones du Québec se retrouve donc majoritairement dans les zones nordiques de la province, en territoire moins urbanisé. Les contacts de ces communautés, plus éloignées des zones de peuplement urbaines, font en sorte que les relations entre les Autochtones et la ville sont plus récentes. » (RCAAQ, 2009 : 7)

[En 2003, Lévesque affirmait que] « au Québec, la population autochtone urbaine est encore dans une proportion de 90 %, originaire des communautés; des liens étroits existent donc avec le milieu d’origine et avec les territoires ancestraux » (Lévesque 2003, cité dans RCAAQ, 2009 : 7).

Partie I : Aperçu des réalités éducatives des Autochtones

L’éducation : une responsabilité partagée

Au Québec, les Autochtones présentent des réalités très diversifiées, entre autres au plan administratif, qui se traduisent également en matière d’éducation. Globalement, les membres des Premières Nations sont sous la responsabilité du gouvernement fédéral conformément à la Loi sur les Indiens. Selon cette dernière, le Canada a, entre autres, des responsabilités en matière d’éducation primaire, secondaire et postsecondaire.

Cependant, le Canada partage certains de ces pouvoirs avec le Québec. Pour leur part, les Inuits n’ont jamais été visés par la Loi sur les Indiens. Leur éducation relève donc, comme pour la majorité de la population, de la province. Toutefois, le financement de l’éducation inuite relève aussi des paliers de gouvernement provincial et fédéral.

De son côté, le Québec a signé des conventions avec trois nations; des conventions qui sont l’aboutissement de nombreuses actions menées par les Autochtones. Il s’agit de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois (CBJNQ) signée en 1975 avec les Cris et les Inuits et de la Convention du Nord-Est du Québec (CNEQ) signée en 1978 avec les Naskapis (CEPN, 2010 : 8). Parmi les retombés de ces conventions, on note la création de deux commissions scolaires autochtones et de l’École des Naskapis.

La Commission scolaire crie (CSC) fut créée en 1976. C’est la « première structure régionale autochtone en matière d’éducation au Canada » qui « a pleine compétence juridique en matière d’éducation » concernant neuf communautés cries (Lévesque et Polèse, 2015 : 163). La Commission scolaire Kativik (CSK) assure pour sa part la scolarisation des Inuits du Nunavik (Lévesque et Polèse, 2015 : 175). La CSC et la CSK ainsi que l’école des Naskapis sont sous la responsabilité du gouvernement québécois et sont financées par les gouvernements provincial et fédéral dans des proportions inégales.

Conséquemment, au Québec, l’éducation des Autochtones relève de paliers gouvernementaux distincts selon que les nations sont dites « conventionnées » ou « non conventionnées ». D’une part, les nations conventionnées crie, inuite et naskapie ont des responsabilités en matière d’éducation sur leur territoire respectif. Cependant, les institutions scolaires sur ces territoires sont sous la juridiction du Québec et sont encadrées par la Loi sur l’instruction publique pour les Autochtones cris, inuits et naskapis (LIPA).

D’autre part, les écoles de bandes se trouvant sur les territoires des huit nations non conventionnées (abénaquise, algonquine, atikamekw, huronne-wendat, innue, malécite, micmac et mohawk) relèvent des conseils de bande de ces Premières Nations et sont financées par le Canada, en vertu de la Loi sur les Indiens.

Deux organisations offrent des services de soutien à l’éducation (matériel pédagogique, expertise, etc.) à certaines des nations non conventionnées; il s’agit du Conseil en Éducation des Premières Nations (CEPN) et de l’Institut Tshakapesh (CEPN, 2010 : 8). Notons que le CEPN « s’implique [notamment] dans l’éducation postsecondaire et dans la formation professionnelle en travaillant à sécuriser le financement de certains programmes qui se déploient à l’échelle communautaire ou provinciale » (Lévesque et Polèse, 2015 :156).

Enfin, des Autochtones fréquentent également le réseau scolaire québécois qui, lui, est entièrement sous la juridiction du gouvernement du Québec.

Ces différents paliers de pouvoir présentent des enjeux, notamment au regard du financement des immobilisations (les bâtiments) et des services d’enseignement. Ainsi, les gouvernements provincial et fédéral contribuent financièrement à différents établissements scolaires et selon des proportions qui varient. Ce qui complexifie d’autant la tâche des nations autochtones qui désirent négocier des améliorations. Ces enjeux touchent également l’enseignement aux adultes.

Les institutions d’enseignement pour adultes autochtones

Cette section donne un aperçu des institutions d’enseignement qui s’adressent aux adultes et qui mènent à un diplôme (enseignement formel). Nous y traiterons de la formation générale des adultes, de la formation professionnelle et de l’enseignement postsecondaire.

La formation générale des adultes et la formation professionnelle

La Commission scolaire crie (CSC) et la Commission scolaire Kativik (CSK) sont entre autres responsables de la formation générale des adultes (FGA) et de la formation professionnelle (FP). Par ailleurs, l’école des Naskapis offre la FGA depuis 2015. Cette école est administrée par la Commission scolaire Central Québec (CSCQ). La formation professionnelle n’y est pas encore disponible, à moins d’ententes prises avec une commission scolaire.

La formation générale des adultes (FGA) permet aux adultes, entre autres, de décrocher un diplôme d’études secondaires ou de les préparer à la formation professionnelle ou postsecondaire.

Sur les territoires non conventionnés, d’autres organisations dispensent des services éducatifs aux Autochtones adultes. On pense notamment au Centre de développement de la formation et de la main-d’œuvre huron-wendat (CDFM). Ce dernier a été créé par le Conseil de la nation huronne-wendat en 1994. Le CDFM offre la FGA et la FP aux Autochtones francophones de partout au Québec vivant hors ou en communauté. Ses services sont adaptés aux Autochtones, à leurs cultures, à leurs besoins et à leurs particularités.

Les programmes en FGA et en FP de ces différents lieux respectent la Loi sur l’instruction publique et le régime pédagogique de la FGA.

Tout récemment, quatre centres régionaux d’éducation des adultes (CRÉA) ont vu le jour sur des territoires non conventionnés et offrent des programmes de FGA. En 2012, le Centre régional d’éducation des adultes Kitci Amik propose des services en français dans la communauté Anishnabe de Lac-Simon. Depuis 2013, deux CRÉA de langue anglaise ont ouvert leurs portes, l’un à Kahnawake, dans la communauté Mohawk, et l’autre à Listuguj, dans la communauté MicMac. Enfin, en 2017 s’ouvre un quatrième CRÉA en français dans les communautés innues d’Uashat et de Maliotenam, soit l’Uashat mak Mani-Utenam (Éducation des adultes Premières Nations). La fréquentation de ces CRÉA a augmenté, d’année en année, passant de 85 à 697 adultes inscrits entre 2012-2013 et 2016-2017[1].

Notons également la création du Conseil scolaire des Premières Nations en éducation des adultes (CSPNEA), mis sur pied en 2011. Ce dernier gérait, en 2015-2016, quatre centres régionaux d’éducation des adultes et cinq sites satellites.

Encore une fois, ces CRÉA et le Conseil scolaire ont été gagnés à la suite de nombreuses luttes menées par les Autochtones. Le Forum socioéconomique des Premières Nations tenu en 2006 à Mashteuiatsh constitue, à ce titre, un point tournant. À la suite de ce forum, le gouvernement québécois s’est davantage investi, notamment auprès des peuples autochtones qui n’ont pas signé de convention (Rapport final du Forum socioéconomique des Premières Nations, auteur et date non identifiés).

En matière de formation professionnelle sur les territoires non conventionnés, le réseau scolaire québécois est le seul à offrir des programmes, exception faite de certains qui sont offerts en collaboration avec le CDFM (site du CDFM).

Finalement, le ministère de l’Éducation s’est également doté d’une Direction des services aux Autochtones et du développement nordique qui couvre toutes les questions éducatives, autant pour les jeunes que les adultes.

Le postsecondaire

En ce qui concerne l’éducation postsecondaire, très peu de services sont offerts dans les communautés. Toutefois, depuis quelques années, les institutions québécoises d’enseignement prennent différentes mesures pour améliorer l’accès des Autochtones aux études supérieures.

Le niveau collégial

L’Institut Kiuna est le seul établissement d’enseignement collégial autochtone. Situé à Odanak, près de Sorel, dans une communauté abénakise, il ouvre ses portes en 2011. Bien que l’Institut soit ouvert à toutes et tous, il accueille principalement des Autochtones provenant de tout le Québec. Il offre des programmes en sciences humaines, journalisme et communication conçus par et pour les Autochtones, en anglais et en français. Il dispense également des attestations d’études collégiales en éducation spécialisée, en comptabilité et en travail administratif. Il propose différents services d’accueil et de soutien aux personnes qui sont séparées de leur communauté et qui doivent s’adapter à un nouveau milieu. Un programme permettant d’acquérir des compétences préparatoires aux études collégiales est également disponible (Radio-Canada, 5 septembre 2016; site de l’Institut).

Le CDFM offre, à Wendake, certains programmes techniques en collaboration avec certains collèges du réseau québécois. Il n’y a ni collège ni université du réseau québécois dans les communautés. Certains de ces établissements offrent des formations dans le Nord à la suite d’une entente. Par exemple, « depuis 1991, en partenariat avec la Commission scolaire Kativik, le Cégep Marie-Victorin est responsable de la formation collégiale des jeunes Inuits qui ont réussi leurs études secondaires en français au Nunavik »[2].

Le Cégep de l’Abitibi-Témiscamingue et le Collège Dawson à Montréal offrent différents programmes de formation pour les Autochtones. Le premier développe plusieurs attestations d’études collégiales (AEC) pour les Autochtones. Depuis peu, il offre une AEC en Techniques policières autochtones. D’autres sont en cours de développement en éducation spécialisée et en petite enfance autochtone (site web cégep de l’Abitibi-Témiscamingue). Le Collège Dawson devait offrir dès l’automne 2018 un programme de certificat en études autochtones (site web collège Dawson).

Ces deux collèges, ainsi que d’autres, offrent des services de soutien pour la réussite scolaire des étudiantes et étudiants autochtones. Cela dit, ces services sont trop peu nombreux et ne répondent pas à la demande. Selon le journal Le Devoir, il « existe davantage de structures d’accueil pour les étudiants étrangers que pour les étudiants autochtones dans la plupart des cégeps et universités du Québec » (29 août 2017). Le Collège John Abbott, à Montréal, aurait été l’un des premiers collèges à offrir de tels services (Cossette, Le Devoir : 29 août 2017).

Notons que la présence d’associations étudiantes autochtones dans plusieurs institutions postsecondaires favorise grandement l’intégration et la réussite scolaire.

Le niveau universitaire

Les universités du Québec prennent différentes mesures pour joindre les Autochtones et leur donner voix au chapitre. Comparativement aux universités canadiennes, celles du Québec accusent un retard à ce titre (Radio-Canada, 18 avril 2018). Toutefois, l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC) et l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT) ont été des précurseures en cette matière depuis plus de trente ans (Girouard, Le Devoir : 25 août 2018; Lambert-Chan, Québec Science : 29 mars 2018).

Des structures d’accueil et des aménagements sont mis en place pour favoriser l’accessibilité. Par exemple, enseigner dans les communautés, offrir des espaces de rencontre, créditer un cours d’introduction aux langues autochtones ou offrir des services pour concilier travail, famille et études :

« Les étudiants autochtones sont plus âgés et ont souvent des enfants à leur charge, note Karine Gentelet [de l’Université du Québec en Outaouais]. Il faut qu’on leur donne un coup de pouce pour trouver un logement, une garderie, un médecin, etc., en plus des services courants comme l’aide à la rédaction et à la recherche bibliographique. » (Québec Science, 29 mars 2018)

Certaines universités développent des programmes d’études autochtones :

« l’Université McGill, l’Université de Montréal et l’Université du Québec à Montréal (UQAM) ont lancé, depuis les trois dernières années, des concentrations et des programmes en études autochtones […]. L’Université Laval à Québec propose un certificat en études autochtones depuis 1986, et l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC) offre également un programme de certificat en technolinguistique autochtone. » (Niosi, Radio-Canada : 18 avril 2018).

Avec son Centre des Premières Nations Nikanite, l’UQAC offre des « programmes et services aux étudiants autochtones qui cheminent à l’université » (site du CPNN). Ce centre, ouvert depuis 2016, a pour ancêtre le Centre d’études amérindiennes créé en 1991.  Pour sa part, l’UQAT a ouvert une École d’études autochtones où différents programmes sont offerts (Québec Science, 29 mars 2018). On y trouve, entre autres, un certificat en études autochtones, des micro-programmes de premier cycle en intervention enfance-famille en contexte autochtone ou en gestion du tourisme autochtone, ou encore un programme court de 2e cycle en gestion publique en contexte autochtone. « On n’étudie pas les Autochtones; on travaille avec eux, tient à souligner M. Martel », précise le recteur de l’UQAT. 

Depuis 2008, le Programme de formation de médecins des Premières Nations et des Inuits du Québecpermet de former chaque année quatre personnes. Les quatre universités suivantes participent à ce programme : Université Laval, Université de Montréal, Université McGill et Université de Sherbrooke (site de l’Université de Montréal). 

Aussi, des universités s’inspirent des philosophies autochtones pour transformer leurs pratiques. Par exemple :

« l’Université Concordia, à Montréal, [a] récemment créé deux nouveaux postes pour ‘‘autochtoniser’’ l’institution », c’est-à-dire, « revoir le cursus des cours, inclure des perspectives autochtones, inviter des conférenciers provenant des communautés, préparer des ateliers pour enseigner aux employés des approches
‘‘décolonisées’’ », etc. (Radio-Canada, 18 avril 2018).

Enfin, les universités font des efforts pour recruter du personnel autochtone et réservent des sièges dans les structures universitaires. Par exemple, l’UQAT s’assure « qu’il y ait toujours au moins un membre de son conseil d’administration qui soit autochtone » (Québec Science, 29 mars 2018). L’UQAT serait « la première université au Québec à avoir un représentant autochtone sur son comité d’éthique de la recherche » (Québec Science, 29 mars 2018).

L’apprentissage en milieu communautaire

Outre le secteur formel, le milieu communautaire autochtone est actif en éducation. Pensons notamment aux Centres d’amitiés Autochtones implantés tant au Québec qu’au Canada depuis près de 40 ans. On en compte onze au Québec. Ces centres offrent aux Autochtones vivant hors communauté différents services en matière d’éducation, de santé et d’emploi.

Ils favorisent la réussite éducative, notamment en offrant des activités de soutien à l’apprentissage aux élèves des niveaux primaire et secondaire et à l’éducation des adultes « dans un contexte sécurisant et pertinent sur le plan culturel » (RCAAQ, site web). Ils tiennent plusieurs activités qui renforcent les compétences en littératie, en numératie et dans l’utilisation des technologies de communication. Les activités d’alphabétisation servent entre autres à raffermir la connaissance et l’usage des langues autochtones et les modes d’acquisition des savoirs qui leur sont propres; ce qui favorise l’adoption d’une identité autochtone positive (RCAAQ, 2009 : 5). Ils facilitent les liens entre les établissements scolaires et les familles.

Pour sa part, l’Institut Tshakapesh, créé en 1978 et situé à Uashat, assure, entre autres, l’enseignement de la langue innue et la diffusion de la culture innue tant dans les écoles primaires et secondaires qu’auprès du public non autochtone. Il forme également les enseignantes et les enseignants des communautés innues (Institut Tshakapesh, 2017).

Plusieurs autres organisations communautaires autochtones permettent aux adultes d’apprendre leur langue et leur culture. Ces apprentissages sont importants non seulement pour se réapproprier leurs savoirs, mais aussi pour renforcer leur identité, leur fierté et leur confiance. La valorisation des savoirs autochtones contribue à l’émergence d’un contexte sécurisant qui, à son tour, favorise d’autres apprentissages.



L’apprentissage d’un point de vue autochtone : une vision holistique

Les onze nations autochtones du Québec ont des histoires, des cultures et des savoirs différents. Cependant, elles partagent une vision holistique de l’apprentissage :

« Traditionnellement, l’éducation chez les Premières Nations relève d’une approche holistique. Cette approche considère que l’individu est un tout, tant dans ses dimensions intellectuelles, spirituelles, affectives que physiques. Cette approche développe tous les aspects de la personne. Il s’agit, en l’occurrence, d’un processus qui commence avant la naissance pour se poursuivre tout au long de la vie.

Historiquement, cette conception de l’éducation est intimement liée à la nécessité de s’adapter aux changements de la personne, de sa collectivité et de l’environnement. L’adaptation est impérative à la survie. De plus, toute la collectivité contribue à l’éducation sur une base quotidienne. Les aînés surtout ont une place privilégiée dans l’éducation des plus jeunes. » (CEPN, 2010 : 5)

Les connaissances ne sont pas hiérarchisées et le savoir se construit à partir de « tous les éléments […] interreliés [qui] doivent être pensés en fonction [de leur] rapport mutuel » (CCA, 2007). Les connaissances se développent en tenant compte, notamment, des liens entre toutes les formes de vie; que ce soit les humains, les animaux, les plantes, visibles ou invisibles, etc. (Toulouse, 2016 : 15).

Les modes d’apprentissage sont essentiellement « fondés sur l’expérience, ancré dans les langues et les cultures autochtones [et comportent] une dimension spirituelle » (CCA, 2007 : 5). Les matières sont enseignées en faisant des allers et retours entre le concret et l’abstrait. Les notions théoriques sont jumelées d’exercices pratiques. Les exemples donnés partent d’expériences vécues pour ensuite intégrer de nouvelles connaissances. La spiritualité est intégrée à l’apprentissage :

« Pour mieux saisir la réalité de l’existence physique et rendre le savoir possible, l’individu cherche en lui-même l’énergie qui se manifeste dans toute forme de vie. L’expérience spirituelle est donc assimilée au savoir et se traduit physiquement par des cérémonies, la quête de visions et les rêves. » (CCA, 2007 : 7)

Enfin, la vision holistique intègre les savoirs autochtones et occidentaux. Selon cette vision, la connaissance évolue et est loin d’être statique.

La réussite éducative selon la vision holistique autochtone

Selon la vision autochtone, la réussite éducative se mesure à l’aune de l’épanouissement individuel et collectif :

« Ce qui compte pour les Autochtones en éducation, c’est que les enfants, les jeunes, les adultes et les Aînés aient la possibilité de s’épanouir dans un milieu respectueux. Autrement dit, que tous les membres de la communauté soient en mesure de contribuer à la société (autochtone et non autochtone) et trouvent un équilibre physique, émotionnel, intellectuel et spirituel. » (Toulouse, 2016 : 1)

L’objectif poursuivi par les enseignements est « le développement de relations sociales et de réseaux basé sur la confiance et les valeurs communes, en vue de favoriser le bien-être à long terme de la communauté » (CCA, 2007 : 5).

La réussite éducative ne se limite donc pas à « la littératie, la numératie et les autres notions standard d’évaluation » (Toulouse, 2016 : 7). D’autres critères de réussite comme l’acquisition d’une identité, d’une culture, d’une langue et d’une vision du monde autochtones sont tout aussi importants, voire essentiels.

Ce faisant, des spécialistes autochtones ont construit un cadre d’évaluation des apprentissages qui tient compte de la vision holistique des Premières Nations, des Inuits et des Métis. Il comporte trois grands axes (CCA, 2009 : 4 à 7, 14) :

1. Les sources et les domaines du savoir

  • De qui apprend-on (gens, famille, aînés, communauté) et à propos de quoi (langue, tradition, cérémonies, spiritualité et monde naturel)?
  • Un indicateur pouvant découler de cet axe serait de mesurer combien de jeunes vivant hors communauté ont eu des contacts avec des personnes aînées.

2. L’apprentissage tout au long de la vie

  • Cet axe « comprend un large éventail d’occasions d’apprentissage formel ou informel dans divers contextes (en classe et à l’extérieur de celle-ci) et à tous les stades de la vie » (CCA, 2009 : 14).
  • Un indicateur pourrait mesurer combien de personnes ont fait du bénévolat; une activité propice aux apprentissages informels.

3. Le bien-être des communautés

  • Cet axe « englobe les conditions d’ordre social, physique, économique, spirituel, politique et sanitaire qui influent sur le processus d’apprentissage » (CCA, 2009 : 14).
  • Des indicateurs de bien-être ont été développés afin de mettre en lumière les conditions qui influencent les apprentissages (CCA, 2009 : 9).

Ce cadre d’évaluation ouvre la voie à une vision plus large de la réussite éducative. Il permet la revalorisation de forces qui ne sont pas considérées dans la grille traditionnelle d’évaluation. La mise en lumière de ces forces permet de s’appuyer sur elles pour acquérir de nouvelles connaissances.

Des points communs avec la vision occidentale de l’éducation des adultes

La vision occidentale de l’éducation des adultes a plusieurs points en commun avec la vision autochtone de l’éducation. Tout d’abord, l’éducation des adultes promeut la diversité des modes et des lieux d’apprentissage. Que ce soit au sein du réseau scolaire (formel), au sein des organisations communautaires ou associatives (non formel) ou en passant par la formation entre pairs ou par l’autoformation (informel).

Ensuite, l’éducation des adultes partage l’idée selon laquelle les apprentissages se font tout au long de la vie. En effet, l’acquisition continue de connaissances favorise l’adaptation aux changements, donne un plus grand pouvoir sur sa vie (santé, finance, compétences parentales, etc.) et sur son environnement (meilleure compréhension des enjeux sociaux et politiques, implication citoyenne, etc.).

Enfin, les méthodes pédagogiques utilisées sont adaptées aux réalités des adultes; c’est ce qu’on appelle l’andragogie. Cette approche mise sur les expériences et les savoirs des adultes pour les mener vers de nouvelles connaissances. Elle est axée sur la pratique et les exemples concrets. Elle vise des apprentissages utiles dans la vie de tous les jours qui favorisent l’autonomie des personnes. Enfin, la réussite éducative est mesurée à l’aune des objectifs que les adultes se sont fixés.

La scolarité

Généralement, les groupes ayant vécu des discriminations, des violences ou des oppressions présentent des taux de scolarisation et de compétence plus faibles que la population en général (Statistique Canada, 2016d). Les Autochtones ne font pas exception. Ces résultats scolaires sont le fruit de deux phénomènes. D’une part, les discriminations envers les Autochtones et les obstacles comme la langue limitent leur accès à l’éducation. Nous y reviendrons à la partie III. D’autre part, les critères occidentaux de réussite éducative ne tiennent pas compte des aspirations et de la vision holistique des Autochtones. En effet, ces critères reposent essentiellement sur la diplomation et les compétences (voir l’encadré).

Les compétences sont :
Littératie : capacité à comprendre et à utiliser des textes de la vie courante afin d’assurer notre autonomie.
Numératie : capacité à comprendre et à utiliser de l’information et des concepts mathématiques afin de répondre aux besoins de la vie courante.
Résolution de problèmes dans des environnements à forte composante technologique : capacité à utiliser des technologies numériques, des outils de communication et des réseaux pour accomplir des tâches pratiques de la vie courante.

Or, la diplomation et les compétences constituent des conditions de plus en plus importantes pour obtenir un emploi ou pour fonctionner dans les sociétés occidentales. C’est pour cette raison que nous présentons les taux d’emploi et de chômage en fonction des taux de diplômes au tableau 3. Les données présentées dans les tableaux 1, 2 et 3 concernent les Autochtones de 25 à 64 ans, vivant au Québec en 2016. Les comparaisons avec les non-Autochtones sont indiquées dans le but de montrer les efforts que doit faire la société québécoise pour faciliter l’accès à l’éducation des Autochtones.

La proportion de personnes autochtones sans diplôme est de 27 %; ce qui inclut les Premières Nations et les Inuits vivant en ou hors communauté (Statistique Canada utilise le terme en ou hors « réserve »). Ce taux est plus du double de celui des personnes non autochtones sans diplôme qui est de 13 %. Un écart encore plus important s’observe chez les personnes ayant une scolarité de niveau universitaire : 11 % des Autochtones comparativement à 26 % des non-Autochtones. Autrement dit, les Autochtones, femmes et hommes, sont beaucoup plus désavantagés sur le plan de la scolarité que les non-Autochtones. Cependant, on observe une amélioration progressive, par exemple « les tranches d’âge de 25-34 ans et de 35-44 ans présentant des taux de nondiplomation généralement plus bas par rapport aux 45 ans ou plus » (CSE, 2013 : 17).

Le quart des Autochtones sont titulaires d’un certificat ou d’un diplôme d’apprenti.e ou d’une école de métier, soit 25 %, ce qui représente 5 points de pourcentage de plus que chez les non-Autochtones. Dans ce cas, le genre a un impact beaucoup plus important que l’identité. En effet, les hommes sont beaucoup plus nombreux que les femmes à posséder ce type diplôme, et ce, tant chez les Autochtones que chez les non-Autochtones.

Par contre, les femmes sont un peu plus scolarisées que les hommes, et ce, peu importe l’identité autochtone ou non. Elles ont un taux moins élevé de « sans diplôme » et une proportion de diplômées universitaires plus élevée (voir le tableau 1). 

Les Inuits et les Premières Nations en communauté sont particulièrement désavantagés

Les données de l’Enquête sur la population active de 2016, tout comme celles de 2011 et 2006, montrent que les niveaux de scolarités varient beaucoup d’une communauté à l’autre. Les données de 2016 montrent que les Inuits et les Premières Nations vivant dans une communauté sont tout particulièrement désavantagés  en matière de scolarité (voir tableau 2).

Plus de la moitié des Inuits sont sans diplôme (54 %) comparativement à 22 % des Premières Nations vivant hors communauté. Peu d’Inuits possèdent un diplôme universitaire (baccalauréat ou plus) : à peu près 2 % des Inuits comparativement à 13 % des Premières Nations hors communauté et 6 % des Premières Nations en communauté.

Aussi, les membres des Premières Nations vivant en communauté sont désavantagés par rapport aux Premières Nations vivant hors communautés. La proportion de personnes sans diplôme est presque le double pour les premiers (43 % contre 22 %). De plus, leurs taux de diplomation sont toujours inférieurs à celui des Premières Nations vivant hors communautés (voir tableau 2).

Les compétences

En matière de littératie, les données sur les peuples autochtones sont très parcellaires. Le Programme pour l’évaluation internationale des compétences des adultes (PEICA) a mesuré, en 2012, les taux de littératie, de numératie et de résolution de problèmes en contexte technologique du Canada, incluant le Québec, et de plusieurs autres pays.

En 2011-2012, 40 pays et régions infranationales ont participé au PEICA. Un test similaire a été soumis dans chacun des pays auprès d’un échantillon de leurs populations respectives.

Au Québec, ces données concernent seulement les Autochtones de 16 à 65 ans vivant hors des communautés. Ces données présentent donc un portrait partiel puisqu’un peu moins de la moitié des Autochtones habitent dans une communauté (Lévesque, 2016 : 1). De plus, les Inuits ont été exclus de l’analyse puisque leur échantillon au Québec était trop petit. Enfin, seules 122 personnes Autochtones du Québec ont été échantillonnées par le PEICA (ISQ, 2015 : 211). Cet échantillon est si petit qu’il est impossible d’en tirer des généralités fiables.

À l’instar du Conseil supérieur de l’éducation, nous insistons sur l’importance de créer des données probantes concernant les compétences des populations autochtones. Ces données constituent un outil de base pour apporter, éventuellement, des solutions efficaces (CSE, 2013 : 60).




Partie II : Emploi, chômage et revenus

Comme nous le disions précédemment, les discriminations et les obstacles à la scolarisation se traduisent trop souvent par des taux d’emploi et de chômage ainsi que des revenus désavantageux. Le bref portrait présenté ici décrit la situation des Autochtones en matière d’emploi, de chômage et de revenus.

L’emploi

En 2016 au Québec, les Autochtones présentent un taux d’emploi généralement plus faible que celui des non-Autochtones. Ce taux est de 63 % chez les femmes et 64 % chez les hommes Autochtones alors qu’il monte à 73 % chez les femmes et 79 % chez les hommes non-autochtones (IRIS, 2018 : 4). Ici, les écarts sont plus grands selon les identités plutôt que selon les genres (femmes/hommes).

Une particularité constitutive du mode de vie autochtone se reflète sur l’emploi. Une enquête de Statistique Canada met en lumière le fait qu’un pourcentage non négligeable d’Autochtones travaille à des activités non salariées, mais qui participent à l’économie. Par exemple, parmi les personnes de 25 à 54 ans, certaines s’adonnent à la fabrication de vêtements ou de chaussures (8 %) ou encore d’œuvres d’art (15 %). D’autres vont à la chasse, la pêche ou le piégeage (24 %) ou font la cueillette de plantes sauvages (25 %). Le fruit de ce travail est destiné soit à la consommation personnelle ou familiale, soit à la vente des produits (IRIS, 2018 : 5).

En matière d’emploi, on observe des différences marquées entre les Autochtones et selon les régions. Par exemple, en 2010 au Québec :

« La Côte-Nord, qui se classe au deuxième rang des régions en termes d’importance numérique (10 425) et d’importance relative (11,2 %) des PNI […] affiche le plus grand écart au Québec, soit 16,5 points de pourcentage, entre le taux d’emploi des autochtones (40,6 %) et celui de l’ensemble de la population (57,1 %) » (CCPNIMT, 2016 : 53).

Taux d’emploi
L’IRIS définit le taux d’emploi comme « la quantité de personnes occupées en proportion de la population en âge de travailler » (2018 : 4)

De façon globale, les taux d’emplois selon les niveaux de diplomation sont similaires entre les Autochtones et les non-Autochtones. Par exemple, le taux d’emploi des 25 à 64 ans sans diplôme était de 55 % dans le premier groupe comparativement à 56 % dans le deuxième. La scolarité et le niveau élevé de littératie influencent positivement l’emploi tant chez les uns que chez les autres. Le tableau 3 montre que plus la scolarité est élevée plus le taux d’emploi augmente, et ce pour tous groupes.

Cependant, la scolarité n’a pas le même effet chez les femmes autochtones. Peu importe leur niveau de scolarité, leur taux d’emploi est toujours plus faible que celui des hommes autochtones et de la population non autochtone. Les écarts en leur défaveur sont encore plus marqués parmi celles qui sont peu scolarisées. Par exemple, parmi les personnes qui n’ont pas de diplôme, seulement 46 % des femmes autochtones sont en emploi comparativement à 63 % des hommes autochtones et 56 % de la population non-autochtones (tableau 3).

Les Premières Nations vivant en communauté (Statistique Canada utilise le terme en ou hors « réserve ») sont également désavantagées. Leurs taux d’emploi sont presque toujours inférieurs à ceux des Premières Nations vivant hors communauté, des Inuits et même de l’ensemble des femmes autochtones (tableau 3).

À la lumière de ces données, on peut dire que les niveaux de scolarité et de compétences ne sont pas les seuls facteurs qui influencent les taux d’emploi des Autochtones.

Le chômage

Le taux de chômage en 2016 au Québec est deux fois plus élevé chez les Autochtones que chez les non-Autochtones de 25 à 64 ans : 15 % chez les hommes et 9 % chez les femmes autochtones comparativement à 7 % chez les hommes et 5 % chez les femmes non autochtones (IRIS, 2018 : 5).

Parmi les Autochtones, les Inuits sont les plus touchées par le chômage, soit 19 % chez les hommes et 13 % chez les femmes inuites.

Les revenus

En 2015 au Québec, le revenu après impôt médian des Autochtones de 15 ans et plus (25 386 $) était inférieur à celui des non-Autochtones (29 632 $) (IRIS, 2018 : 6). Encore une fois, des disparités s’observent parmi les Autochtones. Les Inuits, sont nettement désavantagés avec un revenu après impôt médian de 24 260 $. Par ailleurs, ce même revenu est toujours inférieur pour les femmes d’un même groupe, autochtones ou non, sauf chez les Inuits où les femmes gagnent davantage que les hommes (IRIS, 2018 : 7).

Enfin, la proportion de personnes à faible revenu est plus importante parmi les Autochtones, soit de 21 % comparativement à 14 % chez les non-Autochtones en 2016 au Québec (IRIS, 2018 : 7). Les femmes autochtones vivant en milieu urbain semblent plus touchées. En2011, au Canada, elles étaient « deux fois plus sujettes que les femmes non-autochtones à avoir un revenu inférieur au seuil de faible revenu, 36 % contre 17 % pour les femmes non-autochtones » (RCAAQ, 2016 : 10).

Ce portrait montre encore de grandes inégalités entre les Autochtones et les non-Autochtones qui sont le fruit de conditions socioéconomiques et politiques déplorables. La troisième partie synthétisera les analyses issues de plusieurs recherches ciblant des causes d’inégalités.




Parmi 50 localités montrant le plus faible indice de bien-être des collectivités, « 13 sont Inuit (sur 14), 23 sont des réserves de Premières Nations (sur 32). Les autres localités sont de petites localités non autochtones, soit 14 (929); au total 975 localités font l’objet de cette analyse » (CCPNIMT, 2016 : 43).

Indice de bien-être des collectivités
Le ministère canadien des Affaires autochtones et du Développement du Nord calcule l’indice de bien-être des collectivités à partir de quatre indicateurs : le revenu, scolarité, logement et marché du travail.

Partie III : Obstacles à l’éducation

Les mauvaises conditions de vie des Autochtones au Canada sont, depuis quelques années, de plus en plus mises au jour. À ce titre, le Canada a reçu deux blâmes de l’ONU. En 2005, le Comité des droits de l’homme de l’ONU réprimandait le pays à propos, notamment, de la violence faite aux femmes autochtones (ACFAI, 2005). En 2012, le Canada a été blâmé par le Comité onusien pour l’élimination de la discrimination raciale à propos de la surreprésentation des Autochtones en milieu carcéral (Radio-Canada et CBC, 14 août 2017). De fait, « dans les pénitenciers fédéraux […] 12 % des détenus québécois sont autochtones. Or, les citoyens des Premières Nations ne représentent que 1,8 % de la population » (Prince, 2016).

Ces piètres conditions de vie sont le fruit de multiples causes. Certaines sont d’ordre historique et structurel. Pensons aux politiques coloniales et assimilatrices du Canada, dont découlent les pensionnats indiens. La Loi sur les Indiens a limité et limite encore le pouvoir dont disposent les nations autochtones pour se développer. Elle a institué le racisme en système (Commission vérité et réconciliation, 2015 : 50-51).

Ce contexte historique et politique a eu des conséquences socio-économiques et culturelles qui sont toujours présentes. On pense à la pauvreté deux fois plus élevée chez les Autochtones comparativement aux non-Autochtones. On pense aux taux élevés de violences (physique, sexuelle et psychologique), de suicide, de santé mentale fragilisée, d’alcoolisme et de toxicomanie ainsi que de maladies chroniques comme le diabète. Finalement, on pense à la surreprésentation des Autochtones en situation d’itinérance (Patrick, 2015 : 20).

Or, ces problèmes sociaux et de santé agissent, à leur tour, comme des barrières à l’éducation. Ainsi, les Autochtones se retrouvent dans un cercle vicieux : problèmes sociaux qui diminuent les niveaux de scolarités; faible scolarité qui mène à de faibles revenus et, possiblement, à d’autres problèmes sociaux, etc.

L’isolement géographique constitue un autre défi qui peut limiter l’accès aux services, notamment aux services éducatifs.

Enfin, il existe une série d’obstacles plus directement liés à l’éducation, et ce, tant dans le réseau autochtone que québécois. En ce qui concerne les institutions dans les communautés, on note un financement public inférieur à celui des institutions québécoises. On déplore la formation insuffisante des enseignantes et des enseignants et le fort roulement de personnel. Le matériel pédagogique et didactique adéquat serait insuffisant.

Dans le réseau scolaire québécois, on soulève les méthodes d’apprentissage inadaptées aux Autochtones et la faible présence des savoirs, des pratiques et des cultures autochtones dans les programmes d’enseignement. La langue d’enseignement constitue également une barrière pour les Autochtones, dont le français ou l’anglais sont des langues secondes.

Il serait trop long ici de décrire les effets de chacun de ces problèmes sur la scolarité et les compétences des Autochtones. Nous nous attarderons donc à certaines causes qui ont un impact majeur.

Les mauvaises conditions de logement

Avant même de penser à étudier, il faut combler les besoins de base. Or, la surpopulation dans les logements et la désuétude de ces derniers constituent un problème majeur pour les Autochtones. En 2016 au Canada, près de deux fois plus d’Autochtones (18,3 %) vivaient dans un logement surpeuplé comparativement aux non-Autochtones (8,5 %). Par ailleurs, trois fois plus d’Autochtones (19,4 %) que de non-Autochtones (6 %) vivaient dans un logement nécessitant des réparations majeures (Statistique Canada, 2017a : 1 et 3).

Or, l’hébergement fait non seulement partie des besoins essentiels, mais il est une condition importante du succès dans les études. La cheffe de Lac Simon, Adrienne Jérôme, soutient que le besoin de logement passe avant l’éducation : « Nos enfants sont dans des maisons surpeuplés, le gouvernement dit qu’on doit mettre l’argent dans la réussite éducative. Mais où veux-tu que les enfants fassent leurs devoirs? » (Gervais, 2018 : A4).

Les pensionnats indiens : un impact majeur sur le rapport au savoir

Depuis la tenue de la Commission vérité et réconciliation, la très dure réalité des pensionnats indiens a enfin reçu plus d’attention. Rappelons que les pensionnats étaient des écoles religieuses financées par le gouvernement du Canada, dont le but explicite était de détourner les jeunes autochtones de leur propre culture afin de les assimiler à la culture eurocanadienne.

La première école du genre – l’Institut mohawk – a vu le jour en 1831 à Brantfort en Ontario alors que la dernière a fermé ses portes en 1996 à Punnichy, en Saskatchewan. C’est en 1876 qu’un amendement à la Loi sur les Indiens a permis le financement et la gestion de telles écoles par le gouvernement canadien et différentes églises (Encyclopédie canadienne en ligne[3]).

Au Québec, six pensionnats du genre ont été ouverts entre 1930 et 1990 (Glasman, 2015), le dernier étant situé à Pointe bleue (Wikipédia[4]).

La Commission vérité et réconciliation a été créée en 2007 et a tenu différentes activités à travers le Canada jusqu’en 2014. Elle avait pour mandat : « de révéler l’histoire complète du système des pensionnats du Canada et d’ouvrir la voie vers le respect à travers la réconciliation, pour les élèves et pour les familles » (CCNSA, 2014 : 8).

À propos des impacts de ces pensionnats sur les communautés autochtones, la Commission vérité et réconciliation écrivait :

« En plus des dommages émotionnels et psychologiques qu’ils ont causés, l’une des séquelles les plus considérables et dévastatrices des pensionnats est l’effet sur la réussite au plan éducatif et économique des Autochtones. Le manque de modèles et de mentors, le financement insuffisant des écoles, les enseignants inadéquats et le programme scolaire inadapté généralement enseigné dans une langue étrangère — et parfois par des enseignants qui ne connaissaient pas bien la langue en question — sont des éléments qui ont contribué aux taux de réussite extrêmement faibles de l’éducation des Autochtones. » (CVR, 2015 : 149)

Les pensionnats ont causé deux types de ruptures dans le rapport des Autochtones au savoir. Tout d’abord, il y a eu une rupture de la transmission traditionnelle des savoirs. En effet, les savoirs se transmettaient d’une génération à l’autre; les plus jeunes observaient et apprenaient des personnes aînées. En retirant les enfants de leur communauté, la chaîne de transmission des savoirs s’est brisée. Les pensionnats ont également effrité la maîtrise de la langue chez les plus jeunes.

Or, la langue est un vecteur important de transmission des savoirs, mais aussi de la culture, de la socialisation et de la façon d’appréhender le monde. La deuxième rupture est liée aux souvenirs négatifs que les pensionnats ont laissés à un grand nombre d’Autochtones. Ces personnes ont développé une méfiance à l’égard du système éducatif québécois. Conséquemment, certaines valorisent peu ce type d’éducation pour leurs enfants (Loiselle, 2010 : 69). Or, plusieurs études montrent que la valorisation de l’éducation et le soutien des enfants par leurs parents jouent un rôle important dans la réussite scolaire (Lévesque et Polèse, 2016 : 124-125; Lévesque, 2016 : 2-4). Ainsi, les pensionnats ont affecté la scolarisation et la diplomation de plusieurs générations, tant celles qui les ont fréquentés que leurs enfants et leurs petits-enfants.

L’inégalité de financement des écoles autochtones

La complexité du financement de l’éducation des Autochtones est à l’image du partage des pouvoirs entre le Québec et le Canada. De façon globale, on observe des inégalités dans le financement de l’éducation des jeunes. En 2016, le directeur parlementaire du budget (DPB) soulignait la disparité importante entre le financement octroyé par le gouvernement fédéral aux écoles autochtones et non autochtones. Il donnait en exemple le financement d’un élève en Ontario qui s’élevait à 25 000 $, en 2012-2013, comparativement à 14 500 $ pour un jeune autochtone de cette province. Au total, cet écart représente 595 millions $ de moins en services aux enfants autochtones de l’Ontario en 2012-2103 (Nadeau, 2016 : A2). Bien que des investissements supplémentaires aient été prévus depuis 2016-2017, ils permettront tout juste à rattraper les écarts en 2018-2019 selon de DPB (Cornellier, 2016 : A6).

« En revanche, là où des accords ont été conclus pour opérer autrement, comme avec les Cris de la Baie-James, les Micmacs de la région atlantique et les Premières Nations de Colombie-Britannique, le fossé a totalement disparu, ou presque » (Cornellier, 2016 : A6).

Pour les adultes du Québec, le financement est inégal d’un programme à l’autre et selon que les communautés soient conventionnées ou non. Par exemple, la formation générale des adultes est financée par Québec, en tout ou en partie, dans les communautés conventionnées, dans les quatre centres régionaux d’éducation des adultes des communautés non conventionnées et au CDFM.

Pour les autres communautés non conventionnées, le gouvernement fédéral n’a pas de programme de financement ni pour la formation générale des adultes ni pour la formation professionnelle au Québec. Pourtant, le gouvernement fédéral a des programmes de FGA et de FP dans les autres provinces. Certaines communautés sont financées en FGA pour des projets précis qui ont fait l’objet d’ententes (CEPN, 2010 : 19-20). Or, les besoins en formation de base sont grands : rappelons que la proportion d’Autochtones sans diplôme est le double de celle des non-Autochtones. Aussi, les Autochtones sont nombreux à s’inscrire en formation professionnelle.

Enfin, en matière d’éducation postsecondaire, il n’y a aucun établissement postsecondaire sous la gouverne des Premières Nations au Québec, alors qu’il en existe ailleurs au Canada. Le gouvernement du Canada a un programme de soutien financier aux étudiantes et aux étudiants de niveau postsecondaire. Cependant, ce financement a diminué, passant d’une enveloppe ouverte où toutes les personnes étaient soutenues à une enveloppe fermée qui oblige à sélectionner celles qui y auront droit (CEPN, 2010 : 21-22).

Racisme et préjugés

La colonisation de l’Amérique du Nord s’est accompagnée d’un mépris des communautés et de la culture autochtones. Des générations de Québécoises et de Québécois ont grandi dans la méconnaissance, les stéréotypes, les préjugés et le racisme envers les Autochtones; une situation qui perdure encore aujourd’hui :

« À Montréal, 70 % des Autochtones affirment avoir été ou taquiné ou insulté en raison de leur origine autochtone et près du tiers (31 %) des Montréalais non autochtones expriment des stéréotypes négatifs à l’égard des peuples autochtones. » (RCAAQ, 2016a : 11)

« Selon la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ), les Autochtones et en particulier les Autochtones en milieu urbain, comptent parmi les groupes les plus susceptibles d’être victimes de discrimination et/ou de profilage racial au Québec (Eid, Magloire et Turenne 2011). » (RCAAQ, 2014 : 7)

Or, ce racisme a un impact sur la réussite scolaire, selon plusieurs études, dont celle du Groupe de travail national du ministre de l’Éducation de 2002 (CCA, 2009 : 59). Le racisme conjugué à d’autres facteurs discriminatoires a un effet délétère sur la scolarité :

« De telles perspectives permettent de se demander si les élèves quittent volontairement l’école ou s’ils y sont poussés par des raisons systémiques ou structurelles. […] Selon ces [chercheurs/chercheuses], les relations de pouvoir en contexte canadien exercent une influence considérable sur la perception de l’école par les jeunes, et la résistance qu’ils manifestent à l’endroit de cette institution constitue une stratégie de conservation culturelle et identitaire (Aman 2006; 2009). » (Lévesque et Polèse, 2015 : 85)

Les violences physiques, sexuelles et psychologiques

Les violences de toute sorte constituent une entorse aux droits humains. Les conséquences négatives atteignent non seulement les personnes directement touchées, mais aussi leur entourage et leur communauté.

L’enquête sociale générale (ESG) de 2014 mesure la victimisation selon les infractions suivantes : l’agression sexuelle, le vol qualifié, les voies de fait, le vol de biens personnels, l’introduction par effraction, le vol de véhicules à moteur ou de leurs pièces, le vol des biens du ménage et le vandalisme.

Selon l’enquête sociale générale menée au Canada en 2014, les Autochtones sont nettement plus touchés par les violences, et ce, peu importe l’infraction (voir l’encadré) :

« Par exemple, le taux d’agressions sexuelles chez les Autochtones (58E incidents pour 1 000 personnes[5]) était près de trois fois celui observé chez les non-Autochtones (20 pour 1 000), tandis que le taux de voies de fait parmi les Autochtones (90E pour 1 000) était près du double de celui noté chez les non-Autochtones (47 pour 1 000) (graphique 1). » (Statistique Canada, 2016b : 6)

Les taux de violence physique et sexuelle sont tout particulièrement alarmants chez les femmes autochtones :

« Selon l’ESG de 2014 sur la victimisation, les femmes autochtones (220E incidents avec violence pour 1 000 personnes) présentaient un taux global de victimisation avec violence deux fois plus élevé que celui observé chez les hommes autochtones (110E pour 1 000), près de trois fois plus élevé que celui inscrit par les femmes non autochtones (81 pour 1 000) et plus de trois fois plus élevé que celui noté chez les hommes non-autochtones (66 pour 1 000). » (Statistique Canada, 2016b : 3)

Selon la même enquête, les femmes autochtones sont trois fois plus à risque de subir des violences conjugales (10 %) que les femmes non autochtones (3 %). Les gestes de violence sont plus graves : « agressées sexuellement, battues, menacées avec une arme à feu ou un couteau ». Enfin, les femmes autochtones « sont surreprésentées en tant que victimes d’homicide aux mains d’un partenaire amoureux » (INSPQ, 2018).

Par ailleurs, « les femmes autochtones étaient plus susceptibles de déclarer avoir subi de la violence physique et sexuelle durant l’enfance que leurs homologues masculins (14 % comparativement à 5 %E» (Statistique Canada, 2016b : 3). Or, le fait d’avoir été victime de mauvais traitements durant l’enfance augmente le risque de subir d’autres gestes violents (Statistique Canada, 2016b : 11).

Les violences entraînent des problèmes psychosociaux et des traumatismes qui affectent l’apprentissage et, conséquemment, la scolarité. L’ICÉA a d’ailleurs fait le portrait d’une Québécoise dont les capacités de lecture et d’écriture ont été grandement altérées à la suite de sévices sexuels (ICÉA, 2017 : 43-45). Une lectrice de ce témoignage nous disait constater les mêmes effets chez les femmes autochtones.

La monoparentalité et la parentalité en bas âge

En soi, la parentalité est généralement considérée comme une richesse, même si elle arrive à un plus jeune âge chez les Autochtones. Aussi, la proportion de familles monoparentales est plus importante chez les Autochtones : 29,7 % des enfants autochtones vivent dans une famille à parent unique comparativement à 18,6 % d’enfants non autochtones (Lévesque et Polèse, 2015 : 14).

Étant donné le haut taux de croissance de la population autochtone, plusieurs jeunes adultes sont parents. Or, les écoles ne semblent pas adaptées à leur réalité, notamment par rapport aux jeunes femmes cheffes de famille monoparentale : « Certains problèmes personnels comme l’accès au transport, les grossesses et les obligations familiales ne sont absolument pas pris en compte par la plupart des écoles. » (Lévesque et Polèse, 2015 : 85).

La maîtrise défaillante de la langue maternelle et la dévalorisation de la culture première

Les spécialistes de l’apprentissage s’accordent généralement pour dire que la maîtrise de la langue maternelle est un atout de taille pour apprendre. À défaut de quoi, les personnes apprenantes risquent d’avoir des difficultés d’apprentissage. Comme le relevait le Conseil supérieur de l’éducation, dans certains cas la langue maternelle autochtone est mal maîtrisée (CSE, 2013 : 28). Un siècle de politique d’assimilation visant à « tuer l’indien au sein de l’enfant » (Commission vérité et réconciliation, 2015 : 225) dans les pensionnats en est certainement l’une des causes.

Pour plusieurs Autochtones, le français ou l’anglais sont des langues secondes. Or, l’éducation des adultes se fait généralement dans l’une ou l’autre de ces langues. Il s’agit donc d’un écueil de plus à surmonter. La situation se complique pour les Autochtones du Québec dont la langue seconde est l’anglais. En plus de maîtriser plus ou moins bien l’anglais, ces personnes doivent apprendre une troisième langue, le français. À défaut de quoi, certains services éducatifs sont moins accessibles. De plus, les services d’alphabétisation en anglais sont moins nombreux et peuvent être difficiles d’accès pour certaines communautés (RCAAQ, 2009 : 8).

L’apprentissage d’une langue ne s’arrête pas à la capacité de bien la maîtriser. C’est aussi un moyen de connaître les codes et la culture qu’elle véhicule. Les enfants ou les adultes qui apprennent pour une première fois dans une langue seconde (français ou anglais) peuvent vivre un choc culturel parce qu’ils ne connaissent pas ses codes culturels. De plus, l’absence de référence à leur propre culture dans les classes de la majorité mène à sa dévalorisation :

« Dans la situation qui nous occupe, la pression est forte, implicitement ou non, sur l’élève d’abandonner sa langue maternelle et sa première culture souvent fragilisées, car en voie de disparition. La culture scolaire, ancrée dans l’écrit [alors que la culture d’apprentissage autochtone est plutôt orale], exclut sa première culture et donc ses caractéristiques identitaires » (da Silveira, 2012 : 50-52).

Partie IV : Pistes d’action

Tout comme il existe plusieurs causes expliquant les plus faibles niveaux de diplomation et de littératie des Autochtones, il existe également plusieurs solutions pour y remédier. Certaines sont plus structurelles alors que d’autres ciblent plus directement l’éducation. Toutefois, les unes comme les autres ont une influence certaine sur l’éducation. Nous ferons un survol des pistes d’action avancées par différentes personnes et organisations. Cela dit, un travail plus élaboré serait nécessaire pour opérationnaliser certaines d’entre elles.

S’attaquer aux causes historiques et systémiques

Il y a tout d’abord un travail colossal à réaliser pour endiguer les effets désastreux des oppressions historiques et systémiques à l’égard des Autochtones (Dufour, 2015 : 163). Plusieurs actions, tant systémiques que sectorielles, doivent être mises en branle.

À la suite  de nombreuses luttes menées par les Autochtones, un travail de réconciliation et de réparation des torts historiques s’est entamé avec la Commission de vérité et réconciliation du Canada dont le rapport a été déposé en 2015.

Par ailleurs, les Autochtones réclament depuis longtemps des modifications à la Loi sur les Indiens et à d’autres législations qui limitent leur autonomie et leur développement. Des actrices et acteurs soulignent l’importance de remettre le pouvoir décisionnel aux communautés afin qu’elles mènent à bien leur projet, notamment en ce qui concerne les programmes éducatifs. Plus qu’une simple implication, on parle d’autonomie politique :

« L’avenir de l’éducation des élèves autochtones passe inévitablement par la mise en place d’une relation égalitaire et équitable et d’un partage décisionnel entre les gouvernements et les nations autochtones et ne peut être dissocié du projet d’autodétermination des Autochtones. » (Lévesque et Polèse, 2015 : 52).

Le gouvernement fédéral lui-même vise à ce que de plus en plus de communautés puissent gérer certains services publics. La ministre fédérale des Services aux Autochtones, madame Jane Philpott, affirmait ceci : « Nous avons amplement de preuves — que ce soit en santé, en éducation ou pour la gestion du territoire — que, plus la gestion et la conception du système se font par les populations autochtones, plus ces systèmes sont couronnés de succès » (Vastel, Le Devoir : 28 décembre 2018).

Contrer le racisme et les discriminations

Les politiques d’assimilation des Autochtones se sont fondées sur la désinformation, les préjugés, la discrimination et l’oppression. Cette longue histoire se traduit encore aujourd’hui par une méconnaissance et un racisme qu’il faut endiguer.

Plusieurs programmes et stratégies ont été conçus en ce sens. Un de ces programmes – parmi les plus populaires – utilise le modèle du contact. L’axe principal de ce dernier consiste à démultiplier les contacts entre les « groupes raciaux dominants et marginalisés » en éliminant la compétition et en encourageant la collaboration. Ces contacts doivent être soutenus par des programmes qui améliorent le statut social des Autochtones (emploi, éducation, revenus, etc.). On parle également de la « socialisation raciale » qui consiste à faire prendre conscience du racisme, de son étendue, de ses impacts et de réponses adéquates aux manifestations racistes (CCNSA, 2014 : 2).

L’information et la sensibilisation sont des composantes importantes des programmes antiracistes et passent notamment par l’éducation et les médias. Les systèmes éducatifs contribuent largement à la méconnaissance de l’histoire coloniale québécoise et canadienne et de ses conséquences. Cette histoire est absente des manuels scolaires ou elle y est adoucie.

Or, des programmes éducatifs multiculturels existent et devraient être proposés aux jeunes comme aux adultes. Ces programmes promeuvent une approche multiculturelle qui offre « une version de l’histoire coloniale non édulcorée, et [met] l’accent sur les valeurs de diversité au sein de la société » (CCNSA, 2014 : 4-5). Les programmes multiculturels doivent être développés en collaboration avec les populations autochtones et assurer une formation adéquate du personnel enseignant.

Enfin, les médias représentent un vecteur important d’information et de sensibilisation. Les études ont démontré que les campagnes antiracistes utilisant des « messages subtils » sont plus efficaces que les « messages conflictuels ». Par exemple, il est plus positif de représenter des couples, des familles et des milieux de travail interraciaux dans les publicités (CCNSA, 2014 : 3). Autrement dit, plus la diversité est montrée, plus elle devient la norme, réduit la catégorisation « eux » et « nous » et crée des points communs.

À ce titre, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) peut établir des politiques de représentativité de la diversité canadienne. Les médias peuvent également diffuser des contenus éducatifs; on pense notamment à la série documentaire de Radio-Canada/CBC intitulée 8e feu : Les Autochtones et le Canada, le sentier de l’avenir.

Au plan personnel, les non-Autochtones peuvent se former et répliquer aux propos racistes. Le Réseau pour la stratégie urbaine de la communauté autochtone à Montréal a conçu un outil qui propose différents moyens permettant aux personnes non-autochtones de devenir des alliées des Autochtones sans se substituer à elles (Réseau pour la stratégie urbaine de la communauté autochtone à Montréal, 2018).

Améliorer les conditions de vie

Beaucoup reste à faire pour améliorer les conditions de vie des Autochtones et redresser les inégalités de richesse. Comme le soutient le Réseau de lutte à l’analphabétisme (RLA, 2016 : 14), l’amélioration des conditions de vie constitue un élément essentiel au rehaussement des compétences en littératie et, pourrait-on ajouter, au rehaussement de la scolarisation et de la formation.

L’accès à des logements décents et en nombre suffisant ainsi que l’accès à l’eau potable font partie des besoins de base préalables à l’éducation auxquels il faut répondre.

Aussi, plusieurs actions sectorielles doivent s’attaquer aux problèmes sociaux et de santé qui affectent encore plus durement les Autochtones. Après l’avoir réclamé pendant de nombreuses années, des actions démarrent en matière de violence.

Entre autres, le gouvernement canadien a entrepris, à la fin de 2015, l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. Le dépôt du rapport de cette enquête et des recommandations est prévu pour avril 2019 (Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, 2018).

Au Québec, une commission d’enquête a été mise sur pied à la suite du dévoilement de violences policières à Val d’Or à l’égard de femmes autochtones. La situation à Val d’Or, plus médiatisée, n’est pas unique (Lecavalier, Journal de Montréal, 2016). Ainsi, la Commission d’enquête sur les relations entre les Autochtones et certains services publics (appelée Commission Viens) a pour mandat : « d’identifier les causes sous-jacentes à toute forme de violence, de discrimination systémique et de traitements différents qui pourraient  exister à l’égard des Autochtones dans le cadre de la dispensation de certains services publics au Québec » (site de la Commission d’enquête[6]).

La Commission Viens a démarré ses travaux en décembre 2016 et devrait se terminer en septembre 2019 (Plante, Le Devoir, 2018).

Favoriser l’accès à la diplomation

L’acquisition d’un diplôme demeure un moyen important pour améliorer l’employabilité et les conditions de vie. La diplomation des adultes est non seulement bénéfique pour ces personnes, mais aussi pour leurs enfants. Les études montrent en effet que plus les parents sont scolarisés, plus les enfants risquent de l’être (CMEC, 2016 : 6).

Deux types d’action peuvent améliorer l’acquisition d’un diplôme. D’une part, le développement de services éducatifs par et pour les Autochtones. D’autre part, l’adaptation de la formation donnée dans le réseau québécois aux besoins des Autochtones.

Développer les services éducatifs par et pour les Autochtones

La formation générale des adultes (FGA) constitue une voie de raccrochage importante. En ce sens, la création de centres régionaux d’éducation des adultes (CRÉA) dans les communautés est perçue d’un bon œil. Un autre moyen de répondre à la demande est de dépêcher des enseignantes et des enseignants dans les communautés. Cette pratique a été adoptée notamment par la commission scolaire L’Or-et-des-Bois, en Abitibi. Il faut alors s’assurer de former le personnel enseignant aux réalités autochtones. Aussi, le développement, en communauté, d’institutions d’enseignement postsecondaire demeure certainement un moyen d’augmenter la diplomation.

Il va sans dire que le développement de ces services demande un financement adéquat et équitable. Il faut tout d’abord corriger l’inégalité de financement entre les structures autochtones et non-autochtones. Aussi, les gouvernements fédéral et québécois doivent prendre entente pour simplifier les modalités de financement des organisations éducatives destinées aux Autochtones. À ce jour, la complexité du partage des responsabilités entre ces deux paliers occasionne des inégalités de financement entre communautés qui se doivent d’être corrigées.

Favoriser l’apprentissage des langues et des cultures autochtones

Comme nous l’avons vu précédemment, la maîtrise de la langue maternelle favorise les apprentissages et renforce la culture qui y est associée. Pour ces deux raisons, l’apprentissage des langues autochtones, tant chez les jeunes que les personnes plus âgées, a tout avantage à être soutenu et renforcé.

En conformité avec la vision holistique de l’apprentissage chez les Autochtones, il est souhaitable d’intégrer des personnes aînées dans l’enseignement des langues et des cultures autochtones (Lévesque et Polèse, 2015 : 85).

Adapter la formation aux besoins des Autochtones

Il importe également d’augmenter l’accessibilité aux institutions d’enseignement non autochtones. C’est d’autant plus important qu’un grand nombre d’Autochtones vivent en ville et que la formation n’est pas toujours disponible en communauté. Pour ce faire, au moins quatre moyens sont incontournables : la sécurité culturelle, l’accueil et le soutien, la modification des contenus et de la pédagogie et enfin la flexibilité.

Sécurité culturelle

La sécurité culturelle constitue une clé de réussite pour les Autochtones, que ce soit dans les milieux formels ou non formels d’apprentissage, pour les jeunes ou pour les adultes. La sécurité culturelle signifie d’une part que l’histoire, les forces et les défis des communautés autochtones sont compris et traités dans les programmes éducatifs.

D’autre part, une approche sécurisante consiste à bâtir la confiance avec les Autochtones en s’assurant, notamment, que les formatrices et les formateurs utilisent une approche et possèdent des connaissances justes et respectueuses de leurs réalités. C’est aussi une approche qui vise à éliminer les discriminations :

« La sécurisation culturelle exige la reconnaissance que nous sommes tous porteurs de culture. Cette approche s’appuie sur une participation respectueuse ainsi qu’une compréhension du déséquilibre du pouvoir inhérent à la prestation des services, de la discrimination institutionnelle et la nécessité de rectifier ces iniquités en apportant des changements dans le système. » (RCAAQ, 2016c : 7)

La sécurité culturelle est bénéfique à toutes les personnes apprenantes. Elle augmente les chances de réussite des Autochtones tout en instruisant les non-Autochtones sur leurs cultures (CCNSA, 2014 : 5).

Accueil et soutien

Compte tenu de leurs réalités, les Autochtones ont certainement besoin d’un accueil et d’un soutien adaptés. L’Association québécoise des intervenantes et intervenants en formation générale des adultes (AQIFGA) confirme que l’accueil et l’accompagnement sont déterminants dans le retour et le maintien des adultes autochtones à la formation générale.

Par exemple, les institutions scolaires et la culture québécoises peuvent être mal connues des Autochtones. L’AQIFGA propose de tenir des rencontres individuelles où le système scolaire et le code de vie sont expliqués.

Dans d’autres cas, les adultes ont dû quitter leur famille et leur communauté pour étudier. C’est souvent le cas des adultes qui entament des études postsecondaires puisqu’il n’y a aucune institution postsecondaire dans les communautés. Le déracinement et le choc culturel qui s’en suivent constituent des freins et augmentent les risques de décrochage. La référence à des ressources autochtones peut être d’un grand support. Pensons aux associations étudiantes autochtones ou aux centres d’amitié autochtones.

Des moyens pour faciliter l’intégration dans un nouveau milieu sont à mettre en place, par exemple en les informant des ressources disponibles comme les comptoirs alimentaires. L’intégration passe aussi par des activités de connaissance mutuelle des cultures autochtones et non-autochtones. L’AQIFGA parle alors d’interintégration (AGIFGA, 2016 : 14).

Comme pour plusieurs adultes, l’accompagnement dans l’identification du projet professionnel et de formation est important. Le personnel professionnel peut toutefois porter une attention particulière à orienter l’exploration vers des programmes qui correspondent à leurs intérêts particuliers (AQIFGA, 2016 : 15).

Modification des contenus et des pédagogies

La capacité à se reconnaître et à s’identifier à un milieu de formation constitue un attrait et un facteur de rétention pour quiconque. Or, les contenus et les méthodes pédagogiques font très peu de place aux cultures et aux réalités autochtones. Heureusement, de plus en plus d’initiatives tentent de corriger la situation.

Des organisations, tant en milieu formel qu’informel, se préoccupent de représenter la diversité des réalités. Elles organisent des activités qui reflètent la culture autochtone; par exemple en invitant des personnes aînées à faire connaître des contes et des légendes. Les contenus et le matériel pédagogique sont revus pour intégrer des éléments d’histoire et de cultures autochtones. On se préoccupe d’intégrer des éléments de la fierté ou des identités autochtones dans les exercices et exemples. Il va sans dire que le personnel enseignant doit être sensibilisé et formé à la culture, aux valeurs et aux savoirs autochtones.

De plus en plus d’institutions d’enseignement développent des programmes spécifiquement dédiés aux Autochtones. Par exemple, le Centre de formation générale des adultes (CFGA) des Rives-du-Saguenay a ouvert une classe autochtone en milieu urbain appelée Mamu, un mot qui signifie ensemble. Le programme « fait rayonner la culture et la fierté autochtones. La pédagogie tient compte des savoirs et valeurs traditionnelles tout en outillant les adultes pour qu’ils deviennent des acteurs et actrices de changement et puissent transmettre leur savoir et en assurer la pérennité » (CFGA, 2014 : 29, 32). Dans tous les cas, il est avantageux d’associer la communauté aux projets éducatifs (Lévesque et Polèse, 2015 : 85).

Contexte d’apprentissage plus flexible

Les adultes ne peuvent éviter certaines obligations comme l’emploi ou la famille. Le contexte d’apprentissage doit offrir une souplesse pour leur permettre de s’inscrire à des activités d’apprentissage. C’est d’autant plus vrai pour les Autochtones qui deviennent parents à un plus jeune âge et qui présentent un taux de monoparentalité plus élevé.

Le contexte d’apprentissage doit s’adapter aux besoins des adultes autochtones et non l’inverse. Il est ainsi possible d’imaginer des adaptations comme une plus grande flexibilité dans les horaires de cours, la possibilité de prendre plus de temps pour terminer un programme d’études, une attitude compréhensive quant aux absences liées à la famille, l’autorisation de congés, etc. Aussi, des mesures de conciliation travail, famille et études sont à mettre en place.

Aux obligations des adultes s’ajoutent les réalités autochtones. Par exemple, le français ou l’anglais n’étant pas la langue première de plusieurs Autochtones, l’apprentissage et les examens peuvent leur demander plus de temps. On peut également leur offrir des cours de français ou d’anglais dès leur entrée dans un programme d’études.

Aussi, les services éducatifs aux adultes autochtones dont la langue (ou la langue seconde) est l’anglais doivent être offerts en nombre suffisant et répondre à leurs besoins.

Enfin, nous avons trouvé peu d’information à propos des adultes autochtones qui maîtrisent mal leur langue maternelle, le français ou l’anglais. Des recherches devraient préciser les barrières auxquelles ils sont confrontés et les solutions à mettre en place pour répondre à leurs besoins.

Soutenir les organisations communautaires éducatives autochtones

Les organisations communautaires autochtones qui soutiennent les communautés favorisent l’accès et la persévérance scolaire. Bien que leurs actions ne se situent pas toujours directement dans le champ de l’éducation, le soutien qu’elles offrent est un gage de réussite.

Elles peuvent soutenir les personnes qui ont des difficultés d’apprentissage, les accompagner dans la résolution de problèmes sociaux et de santé, favoriser l’intégration et réduire le choc culturel et l’isolement, agir comme intermédiaire entre les Autochtones et les milieux non autochtones, former et sensibiliser ces derniers à la culture et aux problèmes rencontrés par les Autochtones, etc.

Pour toutes ces raisons, et bien d’autres, la contribution d’organisations autochtones agissant en périphérie de l’éducation est absolument nécessaire. Il importe de reconnaître leurs missions éducatives et de les financer adéquatement.

CONCLUSION

La population québécoise commence à peine à connaître les réalités des peuples autochtones. « Parmi les enjeux les plus souvent cités, on compte l’accès déficient à l’eau potable, le délabrement et le surpeuplement des logements, les disparitions et assassinats de femmes et de filles ainsi que les vagues de suicides qu’ont connues plusieurs communautés » (IRIS, 2018 : 1).

Cet article souhaite apporter sa contribution en dressant un portrait des réalités éducatives des Premières Nations et de leurs impacts sur leurs conditions de vie. D’entrée de jeu, nous insistions sur le fait que les écarts désavantageant les Autochtones sont essentiellement reliés à l’histoire colonialiste du Canada et du Québec. Cette histoire a eu des répercussions aux plans économique, social, politique et culturel qui perdurent encore aujourd’hui. Les indicateurs retenus dans cet article en font foi. Cela dit, les peuples autochtones possèdent des forces et des visions sur lesquelles s’appuyer et dont il est possible de s’inspirer.

La vision holistique de l’éducation portée par les Autochtones présente des points communs avec la conception non autochtone de l’éducation des adultes. On pense notamment à l’importance accordée aux apprentissages tout au long de la vie qui permettent de répondre aux besoins changeants des populations et à l’évolution des sociétés. On pense à la valorisation de la diversité des lieux et des modes d’apprentissage (formel, non formel, informelle, milieu scolaire, communautaire, etc.) qui permettent de répondre aux besoins divers de formation. Aussi, l’enseignement autochtone tout comme l’éducation populaire et aux adultes misent sur l’expérience des personnes pour acquérir de nouvelles connaissances.

En outre, les non-Autochtones pourraient s’inspirer de la vision holistique de l’éducation des Autochtones. Développer d’autres indicateurs que ceux des compétences et de la scolarisation pour valoriser plusieurs types de savoir. Tirer profit de toutes les connaissances en évitant de les hiérarchiser. Mettre à profit les savoirs et les expériences des personnes aînées et les engager dans le transfert de connaissances. Enfin, plutôt que d’avoir une vision utilitariste des connaissances – pour produire et consommer encore plus – les sociétés occidentales ont tout avantage à considérer le savoir comme un moyen d’améliorer le bien-être des communautés, à l’instar des Premières Nations (CCA, 2009 : 60; CCA, 2007 : 18-24).

Différentes questions restent à fouiller afin de mieux connaître les réalités éducatives des communautés autochtones. Nous pensons notamment aux adultes en formation générale, en alphabétisation et en francisation tant dans le milieu formel et communautaire québécois qu’au sein des communautés autochtones. Il va sans dire que ce type de recherche doit se faire de façon concertée avec les communautés concernées et selon une démarche où les besoins et les savoirs autochtones sont pris en compte.

Il reste encore beaucoup à faire pour connaître et valoriser les savoirs des premiers peuples. Le travail de connaissance et de reconnaissance mutuelle commence à peine. C’est pourtant la voie à suivre pour créer des ponts et tendre vers une réconciliation. C’est dans cet esprit que l’ICÉA organisera, le 9 mai 2019, une activité publique visant à mieux connaître les réalités éducatives des Autochtones et leurs besoins en cette matière.

L’invitation est lancée!


NOTES

[1] MEES, Direction des statistiques et des indicateurs, Portail informationnel, système Charlemagne, données au 2018-01-25.

[2] https://www.collegemv.qc.ca/formation_aux_adultes/domaines-detudes-et-formations/types-de-formations/programme-integration-et-exploration-inuit

[3] https://www.encyclopediecanadienne.ca/fr/article/pensionnats/

[4] https://fr.wikipedia.org/wiki/Pensionnat_autochtone_au_Canada#cite_note-9

[5] La lettre E en exposé signifie qu’il faut interpréter les données avec prudence étant donné le petit échantillon.

[6] https://www.cerp.gouv.qc.ca/index.php?id=3


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