Résumé de l’article
Cet article propose une analyse détaillée de certains résultats obtenus quant à l’état de fragilisation de 42 organisations répondantes qui ont dit avoir été touchées par des réductions du financement public dédié à l’éducation.
Nous situerons dans un premier temps l’importance de l’enquête de l’ICÉA qui a permis de mesurer l’état de fragilisation des organisations touchées par des réductions de financement public. Cette enquête soulève de nombreuses questions quant aux responsabilités respectives du gouvernement et des organismes de la société civile en matière d’éducation des adultes. Nous verrons par ailleurs qu’elle a permis d’identifier trois dimensions stratégiques de la fragilisation des organisations. Dans un deuxième temps, nous verrons qu’il est possible de dresser des portraits de l’état de fragilisation des organisations fragilisées et ainsi d’identifier leurs caractéristiques.
À terme, cet article vise non seulement à dresser un profil des organisations qui apparaissent les plus fragilisées à la lumière des résultats de notre enquête, mais aussi à identifier des avenues de recherche susceptibles de nous aider à mieux comprendre la situation des organisations touchées par les réductions du financement public dédié à l’éducation.
Une analyse de l’état de fragilisation de 42 organisations touchées par des réductions de financement public
Première partie : l’enquête de l’ICÉA
Situer l’apport de l’enquête de l’ICÉA
Cette enquête a permis de créer différents indicateurs de la fragilisation des organisations. Les uns apportent un éclairage sur la situation actuelle des organisations touchées, les autres sur la situation à venir de ces mêmes organisations.
Au cours de la dernière année, l’ICÉA s’est intéressé de près aux organisations du secteur de l’éducation des adultes qui ont été affectées par les réductions du financement public dédié à l’éducation.
Force a été de constater que, devant la volonté des gouvernements du Québec et du Canada de parvenir à l’équilibre budgétaire, de nombreuses organisations de ce secteur ont dû prendre des décisions lourdes de conséquences à l’égard de leur équipe de travail, de leur offre de service ou encore de la réalisation de leur mission.
À l’automne 2015, l’ICÉA s’est donné pour l’objectif de prendre la mesure des impacts de ces réductions sur la capacité des organisations touchées à répondre aux défis de l’apprentissage à l’âge adulte. Pour ce faire, nous avons mené une enquête qui tente notamment de répondre aux questions suivantes :
Qu’elles sont les principales caractéristiques des organisations et des institutions ayant fait l’objet d’une réduction de leur financement public?
Quelles décisions ont été prises en réponse à cette baisse du soutien financier du gouvernement?
Quelles sont les conséquences de ces décisions?
Quelles sont les organisations et les institutions les plus fragilisées par la diminution du financement public?
Cette enquête a été menée auprès d’un échantillon volontaire de 109 organisations qui ont été en mesure d’indiquer si elles avaient ou non été touchées par des réductions de financement public. Elle a permis de constituer un échantillon d’analyse de 71 organisations touchées qui ont apporté des précisions sur la manière dont elles avaient été affectées par les réductions de financement public.
D’une part, les données obtenues ont permis d’identifier les caractéristiques des organisations touchées par une réduction de leur financement public (secteurs, portée de l’action, sources de réduction, etc.). D’autre part, elles ont permis d’identifier des mesures que ces organisations ont mises en œuvre ou qu’elles envisagent de mettre en œuvre dans les années à venir afin de faire face aux réductions de financement public.
L’un des principaux objectifs de cette enquête était de fournir une mesure de l’état de fragilisation des organisations touchées. Plusieurs croisements de données ont donc été réalisés. Nous souhaitions mettre en lumière les caractéristiques des organisations dont les activités apparaissaient avoir été les plus fragilisées par les réductions de financement public. Nous souhaitions également amorcer une période de questionnement sur l’avenir de l’éducation des adultes; sur l’importance à accorder à ce levier en matière de développement.
Cette enquête a dont permis de créer différents indicateurs de la fragilisation des organisations. Les uns apportent un éclairage sur la situation actuelle des organisations touchées, les autres sur la situation à venir de ces mêmes organisations (figure 1).
Il a ainsi été possible de caractériser les situations actuelles et futures de la fragilisation de 42 organisations de notre échantillon d’analyse.
Mesurer la fragilisation des organisations touchées
Deux séries d’indicateurs ont été développés lors de cette enquête afin d’apprécier l’état de la fragilisation des organisations touchées. Comme l’illustre la figure 1, ces indicateurs proposent différentes échelles.
Figure 1
L’échelle de la situation actuelle est verticale. Elle témoigne de l’aggravation de la situation présente des organisations touchées, dont l’état de fragilisation croit en fonction du nombre de mesures qu’elles ont dû mettre en œuvre. Cette échelle propose par ailleurs trois états de fragilisation des organisations qui composent notre échantillon d’analyse :
une fragilisation amorcée avec la mise en œuvre d’une mesure au cours de la période visée par l’enquête;
une fragilisation marquée avec la mise en œuvre de deux mesures au cours de la période visée par l’enquête; et
une fragilisation aggravée avec la mise en œuvre de trois mesures ou plus au cours de la période visée par l’enquête.
Pour sa part, l’échelle de la situation future est horizontale. Elle témoigne du caractère « préoccupant » ou « très préoccupant » de la situation des organisations de notre échantillon d’analyse pour les années à venir. Les indicateurs de cette échelle s’inscrivent dans le prolongement des différents degrés de fragilisation caractérisés par les indicateurs de la situation actuelle.
Ici aussi, le passage d’un état à un autre dépend du nombre de mesures qu’une organisation envisage de mettre en œuvre dans les années à venir, toujours en réaction aux réductions de financement subies. Ainsi, un regard vers le futur des organisations fragilisées s’ajoute à l’appréciation de la situation actuelle des organisations qui composent notre échantillon d’analyse.
Ce regard permet d’apprécier une éventuelle dégradation de leur situation. Pour ce faire, nous avons utilisé des indicateurs simples et solides, qui se fondent essentiellement sur le nombre de mesures combinées mises en œuvre ou envisagées pour l’avenir par les organisations touchées.
Identifier les mesures mises en œuvre par les organisations touchées
Au sein de notre échantillon d’analyse, 42 organisations ont mentionné avoir mis en œuvre une ou plusieurs des mesures identifiées dans le questionnaire soumis par l’ICÉA.
Pour saisir pleinement la valeur des indicateurs présentés ici, il importe de comprendre en quoi les « mesures » mises en œuvre ou envisagées sont de nature à fragiliser les organisations qui les mettent en œuvre. Comme l’illustre la figure 2, 42 organisations de notre échantillon d’analyse ont mentionné avoir mis en œuvre une ou plusieurs des mesures identifiées dans le questionnaire de l’ICÉA.
Figure 2
Deux premiers choix de réponses des organisations répondantes nous renseignaient sur les répercussions que les réductions de financement public avaient eues sur les équipes de travail des organisations touchées : abolition de postes ou réduction des heures travaillées (1). Il est facile d’imaginer les conséquences de la mise à pied d’une ou de plusieurs personnes ou encore de la réduction des heures de travail pour une organisation.
En l’absence du personnel nécessaire ou de la possibilité de réaliser un certain nombre d’heures de travail, une organisation sera contrainte de redéfinir sa mission, d’abandonner des champs d’expertise, de revoir à la baisse son offre de service, etc.
Deux autres choix de réponses se rapportaient à l’offre de service des organisations touchées. L’objectif était de savoir si les réductions de financement subies avaient entraîné la réduction ou encore l’abolition de certains services, programmes et activités offerts (2).
Pour les organisations touchées, le fait de réduire ou d’abolir des services, des programmes et des activités revient à cesser de répondre, en tout ou en partie, à des besoins exprimés par des adultes apprenants, des membres, des partenaires ou d’autres organisations du milieu. Bref, dans un cas comme dans l’autre, c’est la demande en éducation des adultes qui souffre des réductions de financement public.
Finalement, les organisations répondantes avaient la possibilité d’apporter des précisions sur toute autre mesure mise en œuvre ou envisagée pour l’avenir (3). Les précisions fournies à ce titre ont permis de construire deux autres ensembles de mesures susceptibles de contribuer à la fragilisation des organisations touchées.
Le premier ensemble concerne les mesures mises en œuvre au cours de la période visée par l’enquête, alors que le second concerne les mesures envisagées pour l’avenir. Les précisions apportées par les organisations répondantes sur ces « autres mesures » on permis de construire à postériori de nouvelles mesures qui viennent enrichir le propos développé dans la discussion des résultats de cette enquête.
À l’instar des mesures identifiées dans le questionnaire de l’ICÉA, ces autres mesures apparaissent comme autant de limitations à la capacité des organisations touchées de répondre aux défis de l’apprentissage à l’âge adulte. Ces autres mesures témoignent des sacrifices que plusieurs organisations touchées ont dû faire à l’égard de leur développement organisationnel.
Identifier trois dimensions stratégiques de la fragilisation des organisations
L’enquête de l’ICÉA ciblait à priori des mesures susceptibles d’affecter l’équipe de travail ou l’offre de service des organisations touchées. Cependant, les autres mesures mentionnées par les organisations répondantes ont fait apparaître une troisième dimension, celle des conséquences de ces réductions sur leur développement organisationnel.
L’enquête de l’ICÉA ciblait à priori des mesures réactives susceptibles d’affecter l’équipe de travail ou l’offre de service des organisations touchées. Voilà deux premières dimensions stratégiques liées à la fragilisation des organisations touchées.
Cependant, les autres mesures mentionnées par les organisations répondantes ont fait apparaître une troisième dimension, celle des conséquences des réductions du financement public sur leur développement organisationnel (figure 3).
Figure 3
En effet, les « autres mesures » mentionnées par les organisations répondantes font état de réduction des dépenses liées à des opérations stratégiques comme la formation du personnel, le développement de contenu, la représentation auprès des partenaires ou la participation à des activités de concertation.
Ces opérations participent au développement des capacités d’action et d’adaptation de toute organisation – dans la mesure où elle dispose des fonds nécessaires pour s’adonner à ces activités! Dans le cas contraire, une organisation sera tôt ou tard confrontée à une perte d’expertise et à la dégradation de son offre de service. Elle sera également confrontée à une réduction de sa capacité à appréhender les changements sociaux, voire à s’adapter à ces changements.
On retrouve également parmi ces « autres mesures » le gel des salaires ou la réduction des espaces de travail. Ces champs de responsabilités contribuent à la rétention du personnel d’une organisation, d’une part, et à la disponibilité d’espaces de travail adaptés aux besoins de ses travailleuses et de ses travailleurs, d’autre part. Dans un cas comme dans l’autre, la mise en œuvre de mesures qui affectent ces champs contribuent à la précarisation des conditions de travail et d’emploi du personnel d’une organisation.
La figure 3 illustre l’influence que chaque dimension stratégique liée à la fragilisation des organisations touchées peut avoir sur les autres dimensions. Il est ainsi facile d’imaginer que la mise en œuvre de mesures relatives à l’équipe de travail affecte l’offre de service d’une organisation autant que son développement organisationnel.
Par exemple, l’abolition d’un poste de travail ou la réduction des heures travaillées aura une influence sur la capacité d’une organisation d’intervenir auprès des personnes apprenantes : les interventions seront plus courtes, moins nombreuses ou moins régulières, si elles ne sont pas tout simplement interrompues. De même, des mesures relatives à l’équipe de travail auront des effets sur la capacité d’une organisation à développer de nouveaux outils ou services, à participer à des activités de concertation ou encore d’établir, voire à maintenir des liens avec des partenaires du milieu.
Finalement, plusieurs mesures associées à la dimension du développement organisationnel peuvent freiner le développement ou le maintien de l’offre de service d’une organisation. Ces mesures peuvent également miner l’expertise d’une équipe de travail.
Fait notable, les mesures liées à cette dimension sont différentes selon qu’elles ont été mises en œuvre au cours de la période visée par l’enquête ou qu’elles sont envisagées pour l’avenir. En matière de développement organisationnel, la stratégie des organisations touchées par des réductions de financement public semble s’opérer en deux temps : 1) dans l’immédiat, couper dans les dépenses afin d’équilibrer leur budget; 2) pour l’avenir, trouver le moyen de générer des revenus autonomes ou envisager la fermeture de l’organisation.
Deuxième partie : des résultats révélateurs
Dresser un portrait de l’état de fragilisation des organisations touchées
L’enquête menée par l’ICÉA a permis de dresser un portrait de l’état de fragilisation de 42 organisations de notre échantillon d’analyse.
L’enquête menée par l’ICÉA a permis de dresser un portrait de la fragilisation des organisations touchées par des réductions du financement public. À ce titre, il a été possible de déterminer l’état de fragilisation de 42 organisations de notre échantillon d’analyse. Ces 42 organisations fragilisées correspondent à 60 % du total des 71 organisations de notre échantillon d’analyse qui ont dit avoir été touchées par les réductions de financement public.
Rappelons que deux séries d’indicateurs de la fragilisation des organisations touchées ont été développés dans le cadre de cette enquête (figure 1). Pour les besoins de la présente discussion, centrons notre attention sur le groupe des 25 organisations qui se retrouvent en état de fragilisation aggravée (figure 4).
Figure 4
Un inventaire des mesures mises en œuvre par les organisations de ce groupe révèle que :
21 organisations mentionnent avoir aboli des postes de travail;
18 organisations mentionnent avoir réduit les heures de travail;
19 organisations mentionnent avoir réduit les services, programmes ou activités; et
22 organisations mentionnent avoir pris d’autres mesures (à ce titre, la réduction des dépenses en formation, représentation et développement de nouveaux outils est mentionnée par 12 organisations).
Ce regard sur les mesures mises en œuvre par les organisations qui se retrouvent en situation de fragilisation aggravée est plutôt inquiétant. Il confirme l’affirmation de l’ICÉA à l’effet que les « orientations adoptées et les décisions prises ces dernières années par les gouvernements du Québec et du Canada ont eu pour effet de fragiliser la santé financière, mais également la mission et l’offre de services de nombreux organismes actifs en éducation des adultes (4). »
L’illustration des états de fragilisation (figure 4) et l’analyse proposée des effets attribuables aux mesures mises en œuvre par les organisations touchées renforcent un autre constat posé par l’ICÉA, à savoir que les « mesures prises par les organisations touchées afin de faire face aux réductions du financement public dont bénéficiait l’éducation des adultes ont eu des effets directs et indirects sur leur mission, leur équipe de travail ainsi que de nombreuses populations d’adultes et d’autres organismes du milieu (5). »
À ce titre, soulignons la précision apportée par un groupe d’alphabétisation des adultes qui se disait affectée par la cessation d’un service offert par un centre de documentation. Dans ce cas précis, les réductions du financement public ont forcé ledit centre de documentation à réduire son offre, ce qui a eu pour conséquence d’affecter des services offerts aux adultes par un organisme d’alphabétisation. Par ailleurs, il importe de rappeler que la figure 4 souligne également le fait que la situation future de près de la moitié des 25 organisations en état de fragilisation aggravée s’avère très préoccupante en raison du fait qu’elles envisagent la possibilité de mettre en œuvre au moins deux nouvelles mesures dans les années à venir.
Cet autre constat renforce l’idée avancée par l’ICÉA voulant que les « effets des réductions du financement public se répercutent au-delà de la période allant de 2010 à 2015 » et que de « nombreuses organisations touchées envisagent déjà de mettre en œuvre, dans un avenir proche, de nouvelles mesures afin de faire face aux effets à long terme de ces réductions (6). »
Dresser un portrait qualitatif des caractéristiques des organisations fragilisées
Les résultats de notre enquête apportent suffisamment d’éclairage pour dresser un portrait des caractéristiques des organisations qui apparaissent les plus fragilisées au sein de notre échantillon d’analyse.
La question se pose ici de savoir s’il est possible d’aller au-delà du portrait quantitatif dressé précédemment. D’une part, est-il possible de dresser un portrait des principales caractéristiques des organisations ayant subi une réduction de financement? D’autre part, un tel portrait pourrait-il aider à identifier les organisations qui ont été les plus fragilisées par les réductions du financement public?
Il n’existe pas de réponses simples à ces questions. En effet, les résultats de notre enquête apportent suffisamment d’éclairage pour dresser un portrait des caractéristiques des organisations qui apparaissent les plus fragilisées au sein de notre échantillon d’analyse, mais ce portrait vaut uniquement pour les organisations qui ont participé à notre enquête. Il ne peut être étendu à l’ensemble des organisations du milieu de l’éducation des adultes.
Ceci dit, compte tenu des précisions apportées par les organisations répondantes à notre enquête, il est possible de dresser un portrait des organisations qui ont été les plus fragilisées par les déductions de financement public. À cet effet, l’examen de figure 5 permet de constater que ces organisations se répartissent en trois groupes distincts : 7 organisations en état de fragilisation amorcée, 10 organisations en état de fragilisation marquée et 25 organisations en état de fragilisation aggravée.
L’analyse qui suit présentera donc l’influence de différents ensembles de caractéristiques à l’égard de l’état de fragilisation des organisations retenues au sein de notre échantillon d’analyse. Cette analyse se fonde principalement sur un calcul (7) dont l’objectif est d’établir la surreprésentation d’un groupe d’organisations lorsque l’on isole certaines variables comparativement au poids de ce même groupe dans l’ensemble de notre échantillon d’analyse.
Figure 5
n=nombre d’organisation : Les données associées aux caractéristiques relatives au regroupement familial (ONG ou liée à l’État) sont exprimées en nombre d’organisations. Une organisation ne pouvant être présente que dans une seule famille, le total des lignes « ONG » et « ÉTAT » correspond donc au total de chacun des groupes d’organisations fragilisées.
i=nombre d’items mentionnés : Les données associées aux autres caractéristiques sont pour leur part exprimées en nombre d’items mentionnés par les organisations fragilisées. Plusieurs choix de réponses étaient possibles à ces questions, ce qui fait en sorte que le total des mesures mises en œuvre, par exemple, est supérieur à celui des organisations qui composent chaque groupe.
1) La variable du statut d’organisation
Les organisations répondantes à l’enquête de l’ICÉA ont été classées selon leur statut respectif : gouvernementales et non gouvernementales. Des croisements effectués à partir de ces caractéristiques révèlent qu’on retrouve deux fois plus d’organisations non gouvernementales dans l’ensemble des 42 organisations dont l’état de fragilisation a pu être déterminé que dans le total des 71 organisations touchées de notre échantillon d’analyse.
Les ratios respectifs des trois sous-groupes identifiés dans la figure 5 sont les suivants : 2,3 fois plus d’ONG en situation de fragilisation amorcée, 2,1 fois plus d’ONG en situation de fragilisation marquée et 2 fois plus d’ONG en situation de fragilisation aggravée.
Un premier constat s’impose donc ici : Quel que soit leur état de fragilisation, les ONG apparaissent en moyenne deux fois plus susceptibles de mettre en œuvre des mesures qui contribuent à la fragilisation de leur santé financière, de leur mission et de leur offre de service.
Par ailleurs, lorsque l’on s’intéresse à la portée de l’action des organisations non gouvernementales fragilisées, on observe que cette action est essentiellement localisée dans l’une ou l’autre des régions du Québec : 60 % d’ONG régionales (8) en situation de fragilisation amorcée, 70 % d’ONG régionales en situation de fragilisation marquée et 88 % d’ONG régionales en situation de fragilisation aggravée. Qui plus est, on observe que les huit organisations gouvernementales qui se retrouvent en situation de fragilisation aggravée sont exclusivement actives dans les régions du Québec. De fait, il y a 2,3 fois plus d’organisations régionales en situation de fragilisation aggravée.
Un second constat peut donc être formulé : Il apparaît que les réductions du financement public dédié à l’éducation des adultes fragilisent avant tout des organisations actives dans les régions du Québec et tout particulièrement si elles ont mis en œuvre trois mesures ou plus en réaction aux réductions de financement public.
En tenant compte du fait que les organisations régionales fragilisées assurent le plus sont souvent la prestation de services de « première ligne », il est légitime de se demander si les réductions de financement public n’auraient pas touché plus durement les services offerts directement aux adultes.
2) La variable des regroupements sectoriels
En se basant sur les différents secteurs d’activités cités par les organisations répondantes, il a été possible de créer quatre regroupements de secteurs d’activités. Ces regroupements correspondent à autant de domaines d’apprentissage clés de l’éducation des adultes :
« FGA-alphabétisation-francisation » rassemble trois secteurs responsables des apprentissages de base;
« Emploi-qualification » rassemble six secteurs responsables du développement de l’employabilité et des apprentissages réalisés en milieu de travail;
« Éducation populaire-ACA » rassemble deux secteurs responsables des apprentissages réalisés dans les milieux communautaires et populaires;
« Éducation postsecondaire » rassemble quatre secteurs responsables des apprentissages de niveau postsecondaire.
Lorsque l’on isole ces caractéristiques chez les 42 organisations dont l’état de fragilisation a pu être déterminé, il est difficile d’identifier un regroupement dont les organisations soient significativement plus affectées que les autres. On note bien sûr que les organisations du regroupement Éducation populaire-ACA sont en moyenne deux fois plus nombreuses à se retrouver en situation de fragilisation amorcée ou marquée. On observe également la forte présence des secteurs responsables des apprentissages de base se démarque au sein du groupe des organisations en situation de fragilisation aggravée : 13 des 25 organisations de ce groupe disent appartenir au regroupement FGA-alphabétisation-francisation.
Ces observations mènent à la formulation du constat suivant : Tous les domaines d’apprentissage stratégique identifiés dans le rapport d’enquête de l’ICÉA sont fragilisés par des réductions du financement public dédié à l’éducation des adultes.
3) La variable des sources de réductions de financements
Trois grandes sources de réductions de financement ont été identifiées à partir des précisions apportées par les organisations répondantes : les ministères québécois de l’Éducation (Québec MELS) et de l’Emploi (Québec MESS) ainsi que le ministère fédéral responsable de l’alphabétisation (Ottawa BACE). Par ailleurs, les autres sources mentionnées ont été regroupées dans un quatrième ensemble afin de tenir compte de leur influence.
L’analyse des résultats relatifs aux sources de réductions subies par les 42 organisations retenues au sein de notre échantillon d’analyse (figure 5) permet d’établir la surreprésentation des organisations en situation de fragilisation amorcée touchées par d’autres sources (4,4 fois), des organisations en situation de fragilisation marquée touchées par le ministère québécois de l’Emploi (1,5 fois) et des organisations en situation de fragilisation aggravée touchées par le ministère québécois de l’Éducation (1,6 fois).
Il est ici possible de formuler le constat suivant : En fonction de leur état de fragilisation, les organisations de notre échantillon d’analyse sont touchées par différentes sources de réductions. Le ministère québécois de l’éducation apparaît être la principale source de réduction des organisations les plus fragilisées.
4) La variable des mesures mises en œuvre
Les mesures mises en œuvre au cours de la période visée par l’enquête composent le dernier ensemble de caractéristiques susceptibles d’aider à dresser un portrait des organisations les plus fragilisées par les réductions du financement public.
On observe dans un premier temps que la mention autre mesure est la plus souvent citée par les organisations répondantes, quel que soit leur état de fragilisation : 2 fois plus par les organisations en état de fragilisation amorcée et 1,5 fois plus par les organisations en état de fragilisation marquée. Cette première observation mène à la formulation du constat suivant : Au nombre des mesures qui ont contribué à la fragilisation de leurs activités, les 42 organisations retenues de notre échantillon d’analyse citent plus souvent des mesures qui entravent la réalisation de fonctions stratégiques liées à leur développement organisationnel.
On observe par ailleurs que les trois groupes d’organisations fragilisées déplorent la réduction des dépenses relatives à la formation, la représentation et le développement de nouveaux outils, services ou contenus. Cette deuxième observation mène à la formulation de cet autre constat : Les fonctions stratégiques entravées les plus souvent mentionnées par les organisations fragilisées sont la formation, la représentation et le développement de nouveaux outils.
On observe finalement que les organisations en situation de fragilisation aggravée citent la plupart des mesures identifiées dans le formulaire de l’ICÉA. À l’exception de la mesure « abolir des services, des programmes ou des activités », qui est citée 12 fois par les 25 organisations, les trois autres mesures identifiées dans le formulaire sont citées en moyenne 19 fois.
Cette dernière observation mène à la formulation du constat suivant : Le grand nombre de mesures mises en œuvre par les organisations qui se retrouvent en situation de fragilisation aggravée témoignent du fait que les réductions du financement ont tout à la fois affecté leur équipe de travail, leur offre de services et leur développement organisationnel.
Les organisations les plus fragilisées
L’enquête de l’ICÉA a permis d’établir que plus du tiers des organisations répondantes touchées (25 sur 71) se retrouvent en situation de fragilisation aggravée.
Ces observations permettent de dresser un portrait des organisations qui ont été les plus fragilisées par les réductions de financement subies au cours de la période visée par l’enquête de l’ICÉA. Ce portrait se rapporte tout particulièrement aux 25 organisations qui se retrouvent en situation de fragilisation aggravée. Ainsi, les organisations qui apparaissent avoir été les plus fragilisées présentent les caractéristiques suivantes :
Organisations non gouvernementales : Elles sont 2 fois plus présentes dans le groupe des organisations en situation de fragilisation aggravée et 2,7 fois plus présentes dans le groupe des organisations en situation de fragilisation aggravée dont la situation future est très préoccupante.
Organisations dont la portée de l’action est régionale : Elles sont 2,3 fois plus présentes dans le groupe des organisations en situation de fragilisation aggravée et elles sont les seules à se retrouver dans le groupe des organisations en situation de fragilisation aggravée dont la situation future est très préoccupante.
Organisations touchées par des réductions du ministère québécois de l’Éducation : Elles sont 1,6 fois plus présentes dans le groupe des organisations en situation de fragilisation aggravée et dans le groupe des organisations en situation de fragilisation aggravée dont la situation future est très préoccupante.
Organisations du regroupement « Éducation populaire-ACA » : Elles sont 1,9 fois plus présentes dans le groupe des organisations en situation de fragilisation aggravée dont la situation future est très préoccupante.
Ce portrait est en grande partie confirmé par différents résultats tirés de notre rapport d’enquête (ICÉA, 2016a). En effet, les organisations non gouvernementales y apparaissent systématiquement plus susceptibles de mentionner avoir mis en œuvre des mesures durant la période visée par l’enquête, qu’il soit question des mesures identifiés dans le formulaire de l’ICÉA ou construites à postériori.
Ces organisations apparaissent également être plus susceptibles de mentionner la possibilité de mettre en œuvre de nouvelles mesures dans les années à venir (identifiés dans le formulaire de l’ICÉA ou construites à postériori).
Un premier regard peut être porté aux tableaux 11 à 14 de notre rapport d’enquête (ICÉA 2016a) (9). Cette section vise à identifier les mesures que les organisations touchées ont mises en œuvre ou dont elles envisagent la mise en œuvre dans les années à venir. Plus spécifiquement, nous avons cherché à savoir si certains groupes d’organisations touchées étaient plus susceptibles que les autres de mettre en œuvre ou d’envisager la mise en œuvre de certaines mesures. Plusieurs constats de surreprésentation présentés dans ces tableaux corroborent le portrait présenté plus haut.
1) Constats de surreprésentation des organisations non gouvernementales
En ce qui concerne les mesures mises en œuvre au cours de la période visée par l’enquête, les organisations non gouvernementales sont :
4,6 fois plus nombreuses dans les groupes qui mentionnent avoir réduit les heures de travail ou geler les salaires et les autres dépenses que dans le total de l’échantillon d’analyse (ICÉA 2016a : tableaux 11 et 12);
2,5 fois plus nombreuses dans les groupes qui mentionnent avoir aboli des services, des programmes ou des activités (ICÉA 2016a : tableau 11); et
2,4 fois plus nombreuses dans les groupes qui mentionnent avoir réduit leurs dépenses relatives à la formation, la représentation et le développement de nouveaux outils, services ou contenus que dans le total de l’échantillon d’analyse (ICÉA 2016a :tableau 12).
En ce qui concerne les mesures envisagées pour dans les années à venir, ces mêmes organisations sont :
6,5 fois plus nombreuses dans les groupes qui envisagent la possibilité d’abolir des services, des programmes ou des activités (ICÉA 2016a : tableau 13);
2,5 fois plus nombreuses dans les groupes qui envisagent la possibilité de réduire les heures de travail (ICÉA 2016a : tableau 13); et
2,7 fois plus nombreuses dans les groupes qui envisagent la possibilité de prendre d’autres mesures comme tarifer leurs services (2,7 fois) ou rechercher des sources de financement (3,7 fois) (ICÉA 2016a : tableau 14).
2) Constats de surreprésentation des organisations régionales
En ce qui concerne les mesures mises en œuvre au cours de la période visée par l’enquête, les organisations dont l’action est localisée dans une région sont 2,2 fois plus nombreuses dans les groupes qui mentionnent avoir réduit les heures de travail et 2,8 fois plus nombreuses dans les groupes qui mentionnent avoir aboli des services, programmes ou activités (ICÉA 2016a : tableau 11).
3) Constats de surreprésentation des organisations touchées par des réductions provenant du ministère québécois de l’Éducation
En ce qui concerne les mesures mises en œuvre au cours de la période visée par l’enquête, les organisations qui ont subi des réductions provenant du ministère québécois de l’Éducation sont :
1,5 fois plus nombreuses dans les groupes qui mentionnent avoir aboli des postes de travail ou encore réduit des services, des programmes ou des activités (ICÉA 2016a : tableau 11);
2,8 fois plus nombreuses dans les groupes qui mentionnent avoir réduit les espaces de travail (ICÉA 2016a : tableau 12); et
1,6 fois plus nombreuses dans les groupes qui mentionnent avoir gelé les salaires et les dépenses (ICÉA 2016a : tableau 12).
En ce qui concerne les mesures envisagées pour dans les années à venir, ces mêmes organisations sont 1,6 fois plus nombreuses dans les groupes qui envisagent la possibilité d’abolir des postes de travail (ICÉA 2016a : tableau 13).
4) Constats de surreprésentation des organisations provenant du regroupement Éducation populaire-ACA
En ce qui concerne les mesures mises en œuvre au cours de la période visée par l’enquête, les organisations touchées qui proviennent du regroupement Éducation populaire-ACA sont 2,1 fois plus nombreuses dans les groupes qui mentionnent avoir réduit les heures de travail (tableau 11) et 2,5 fois plus nombreuses dans les groupes qui mentionnent avoir gelé les salaires et les dépenses (ICÉA 2016a : tableau 12).
En ce qui concerne les mesures envisagées pour les années à venir, ces mêmes organisations sont 1,9 fois plus nombreuses dans les groupes qui envisagent la possibilité d’abolir des services, des programmes ou des activités ou encore de prendre d’autres mesures comme fermer leurs portes (3,7 fois), tarifer leurs services (2,7 fois) ou rechercher des sources de financement (1,8 fois) (ICÉA 2016a : tableaux 13 et 14).
Finalement, un dernier regard peut être porté aux indicateurs relatifs à la situation future des ONG qui se retrouvent en état de fragilisation aggravée. On constate en effet la surreprésentation des ONG en situation de fragilisation aggravée dans les groupes dont la situation future est préoccupante (10) (4,6 fois) ou dont la situation future est très préoccupante (11) (2,7 fois).
Conclusion
Les conséquences des réductions du financement public
Le tableau qui suit propose une synthèse des constats qui ont été formulés dans la deuxième section de cet article; il était alors question de dresser un portrait qualitatif des caractéristiques des organisations fragilisées. Cette synthèse met en lumière sept constats qui s’avèrent être autant de conséquences négatives qu’il est possible d’attribuer aux réductions du financement public dédiée à l’éducation des adultes. Elle met également en lumière différentes avenues d’interrogations sur la situation des organisations les plus fragilisées par les réductions du financement public dédié à l’éducation des adultes.
Synthèse des constats proposés dans cet article
1 – Des organisations non gouvernementales fragilisées
Quel que soit leur état de fragilisation, les organisations non gouvernementales apparaissent plus susceptibles de mettre en œuvre des mesures qui contribuent à la fragilisation de leur santé financière, de leur mission et de leur offre de service.
2 – Une action régionale entravée
Les réductions du financement public dédié à l’éducation des adultes fragilisent avant tout des organisations actives dans les régions du Québec.
3 – Tous les domaines d’apprentissage touchés
Tous les domaines d’apprentissage stratégique identifiés dans le rapport d’enquête de l’ICÉA sont fragilisés par des réductions du financement public dédié à l’éducation des adultes.
4 – Des réductions provenant des ministères de l’Éducation et de l’Emploi du Québec
En fonction de leur état de fragilisation, les organisations de notre échantillon d’analyse sont touchées par différentes sources de réductions. Le ministère québécois de l’éducation apparaît être la principale source de réduction des organisations les plus fragilisées.
5 – Des entraves au développement des organisations
Au nombre des mesures qui ont contribué à la fragilisation de leurs activités, les 42 organisations retenues de notre échantillon d’analyse citent plus souvent des mesures qui entravent la réalisation de fonctions stratégiques liées à leur développement organisationnel.
6 – La formation du personnel et le développement de nouveaux outils freinés
Les fonctions stratégiques entravées les plus souvent mentionnées par les organisations fragilisées sont la formation, la représentation et le développement de nouveaux outils.
7 – L’accumulation des mesures favorisant la fragilisation
Le grand nombre de mesures mises en œuvre par les organisations qui se retrouvent en situation de fragilisation aggravée témoignent du fait que les réductions du financement ont tout à la fois affecté leur équipe de travail, leur offre de services et leur développement organisationnel.
En tenant compte du portrait de l’état de fragilisation dressé dans cet article, il serait intéressant de chercher à en savoir plus sur les organisations les plus fragilisées, notamment sur les organisations non gouvernementales dont la portée de l’action est localisée dans une région.
Dans cette perspective, plusieurs questions de recherche peuvent être formulées :
Dans quels domaines d’apprentissage ces organisations sont-elles actives?
Outre le fait que la portée de leurs actions soit régionale, quelles sont les autres caractéristiques de ces actions réalisées en éducations des adultes?
À quel type de besoins ou de demandes tentent de répondre ces actions?
Quelle proportion de ces actions sont destinées en premier lieu aux adultes en apprentissage?
En lien avec ce premier angle de recherche, il serait également intéressant de chercher à identifier avec plus de précision quels ministères et quelles enveloppes budgétaires sont à l’origine des réductions de financement. L’enquête de l’ICÉA a permis de récolter plusieurs précisions à ce sujet. Il a ainsi été possible de constater que le financement public dédié à l’éducation des adultes a été amputé de plusieurs millions de dollars; des coupes qui proviennent principalement de trois ministères : les ministères québécois de l’éducation et de l’emploi, d’une part, et le ministère fédéral responsable de l’alphabétisation, d’autre part. Cependant, les renseignements obtenus sont trop peu nombreux pour qu’il soit possible de dresser un portrait de l’étendue des coupes subies par tel ou tel secteur de l’éducation des adultes.
Ainsi, plusieurs questions demeurent :
Quelles enveloppes budgétaires ont été affectées par les réductions de financement public?
Quelle est la portée des réductions pratiquées dans ces enveloppes (en dollars et en pourcentage du budget)?
Est-il possible d’évaluer l’ampleur des réductions subies par les organisations touchées?
Répondre à ces questions, tout particulièrement si cela permet d’obtenir une évaluation, en dollars et en pourcentage de leur budget, des réductions subies par les organisations touchées, aiderait à faire des liens entre les réductions subies dans un secteur donné, par exemple, et le type de mesures mises en œuvre par les organisations touchées de ce secteur. Tout un ensemble de données sont actuellement disponibles. À ce titre, l’enquête de l’ICÉA mais aussi d’autres enquêtes produites par de nombreuses organisations préoccupées par les effets des réductions du financement public constituent d’excellentes sources. (12).
L’analyse des données existantes et de nouvelles données à récolter permettrait de mieux comprendre les réactions d’une organisation donnée à l’égard des réductions de financement public. Par exemple, pourquoi une organisation décide couper des postes de travail plutôt que réduire les heures de travail? Pourquoi abolir des services, des programmes ou des activités plutôt que les réduire? Pourquoi avoir mis en œuvre d’autres mesures qui affectent directement des fonctions stratégiques lui permettant d’assurer son développement?
Rappelons ici que l’enquête de l’ICÉA a permis d’établir que les réductions du financement public dédié à l’éducation ont entravé différentes fonctions stratégiques de ces organisations (figure 3). En effet, les « autres mesures » mentionnées par les organisations répondantes font état de réduction des dépenses liées à la formation du personnel, au développement de contenu ou d’outils, à la représentation auprès des partenaires ou à la participation à des activités de concertation.
Ces fonctions stratégiques participent directement au développement des capacités d’action et d’adaptation de toute organisation. Dans un contexte où le resserrement du financement public dédié à l’éducation nuit à la réalisation de ces fonctions, on peut se questionner sur les perspectives d’avenir des organisations touchées : Pourront-elles mettre à jour leur expertise ou même la préserver? Pourront-elles assurer leur plein développement? Qu’adviendra-t-il de leur capacité à appréhender les changements sociaux et à s’y adapter?
Ultimement, la synthèse des constats proposés dans cet article mène à un questionnement sur la situation actuelle et future des populations adultes qui ont fait les frais des réductions du financement public dédié à l’éducation. On ne peut raisonnablement pas croire que ces réductions n’ont pas affecté les services offerts directement aux personnes apprenantes. Cette enquête a permis d’établir que plusieurs organisations ont été contraintes de réduire leur équipe de travail ou de revoir leur offre de service (figure 3).
Partant de là, il est possible de se questionner sur les impacts de ces mesures sur les adultes qui fréquentaient ces organisations : Quelles populations adultes ont été les plus fragilisées par ces réductions? Est-il possible d’identifier des groupes d’adultes, liés à des champs d’apprentissage particuliers, qui se retrouvent fortement marginalisés par ces réductions?
Dans un monde idéal, l’ICÉA tenterait de répondre à toutes ces questions dans les mois à venir. Cependant, l’ICÉA aussi a été victime des réductions de financement public dédié à l’éducation des adultes. Des choix ont donc été faits et il est d’ores et déjà acquis que, au cours de l’année à venir, l’Institut dressera des portraits des organisations et des adultes qui apparaissent les plus fragilisées selon notre enquête. Il faut y voir là la poursuite de notre réflexion sur l’avenir de l’éducation des adultes au Québec.
Notes
1 Questions 17 et 18 du formulaire de l’ICÉA. Les organisations répondantes étaient par ailleurs invitées à préciser le nombre postes coupés et le nombre d’heures de travail réduites.
2 Question 19 du formulaire de l’ICÉA. À cette question, les organisations répondantes étaient non seulement invitées à préciser le nombre de services, programmes ou activités réduits ou abolis, mais aussi à nous indiquer à qui s’adressaient ces services, programmes ou activités réduits ou abolis.
3 Question 20 du formulaire de l’ICÉA.
4 ICÉA 2016b, p. 42.
5 ICÉA 2016b, p. 43.
6 ICÉA 2016b, p. 43.
7 Les fondements de ce calcul sont exposés dans le rapport d’enquête de l’ICÉA.
8 Ici, l’expression « régionale » est utilisée par opposition à une action qui serait exercée sur l’ensemble du territoire québécois, c’est-à-dire « nationale ».
9 ICÉA (2016a).L’éducation des adultes à la croisée des chemins. Enquête de l’ICÉA sur les effets des décisions et des politiques des gouvernements du Québec et du Canada sur l’éducation des adultes (période 2010-2015). Rapport final. ICÉA, octobre 2016, tableaux 11 et 14, pages 44 à 52.
10 Une organisation se retrouve dans une « situation future préoccupante » lorsqu’elle envisage la possibilité de mettre en œuvre au moins une nouvelle mesure dans les années à venir.
11 Une organisation se retrouve dans une « situation future très préoccupante » lorsqu’elle envisage la possibilité de mettre en œuvre deux nouvelles mesures ou plus dans les années à venir.
12 Différents documents ont été produits en 2015 à ce sujet, notamment par l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques (IRIS) sur la situation des femmes et des organismes du mouvement d’action communautaire autonome.
Références bibliographiques