Mettre en œuvre un processus de coconstruction fondé sur le bien commun : l’exemple des chantiers de l’ICÉA en éducation des adultes

Édition 2025 d’Apprendre + Agir

Émilie Tremblay
Chercheuse en éducation des adultes
Institut de coopération pour l’éducation des adultes

Introduction

En 2023, l’Institut de coopération pour l’éducation des adultes (ICÉA) a organisé le forum Construire l’avenir : l’éducation des adultes au service du bien public et du bien commun. Pourquoi explorer le thème du bien public et du bien commun en éducation des adultes ? Dans le contexte où l’éducation des adultes connaît de nombreuses transformations, il nous a semblé que les notions de bien public et de bien commun pouvaient nous permettre de mieux saisir les changements en cours et de (re)penser le rôle de l’État et de toutes les parties prenantes en éducation des adultes.

Actuellement, l’absence d’orientations gouvernementales globales a des répercussions sur le développement, la reconnaissance et la place de l’éducation des adultes dans la société québécoise. Rappelons que la Politique gouvernementale d’éducation des adultes et de formation continue a été adoptée il y a plus de vingt ans et que son plan d’action (2002-2007) n’a jamais été mis à jour. L’un des objectifs du forum de 2023 était ainsi d’identifier des chantiers prioritaires en éducation des adultes pour s’attaquer aux défis majeurs existants dans ce secteur et pour y favoriser le bien public et le bien commun. Ce travail a été réalisé la deuxième journée du forum lors d’un atelier participatif. Suivant la thématique du forum, la coconstruction de l’évènement nous semblait un impératif. Il en a été de même pour la mise en place, à l’hiver 2024, des chantiers de l’ICÉA en éducation des adultes, conçus comme des laboratoires d’idées, d’échanges, de réflexions et de travail. Cette initiative était pilotée par ma collègue Sylvie Pelletier et moi.

À la fin du mois de juin 2024, les travaux des chantiers ont cessé pour la période estivale. Il m’a semblé pertinent de profiter de cette pause pour réfléchir aux chantiers comme espaces de coconstruction, surtout qu’au départ, aucun travail n’a été fait pour définir ce que l’ICÉA entendait par « coconstruction ». La vision et la démarche des chantiers ne s’inspiraient donc d’aucune approche théorique particulière de la coconstruction. Durant le processus de mise en place des chantiers, nous n’avons pas non plus pris le temps de construire une vision ou une compréhension commune de la coconstruction. Par ailleurs, j’étais très enthousiasmée par une telle démarche, mais très peu expérimentée. C’est dans ce contexte que j’ai souhaité réaliser un premier bilan personnel de cette expérience qui est l’objet de cet article.

Cet article est divisé en trois parties. Dans la première partie, je rappelle dans quel contexte est née l’idée de ces chantiers et quelle était la vision de la coconstruction lors de la préparation et du déroulement du forum de 2023. Je m’intéresse au concept de coconstruction et à certaines notions apparentées (concertation, cocréation, collaboration et coopération). Qu’est-ce que la coconstruction ? Qu’implique-t-elle ? Comment la mettre en place ? Quelles en sont ses avantages ? Quels sont les défis propres à ce type de démarche ? Dans la deuxième partie de cet article, je me penche sur les chantiers comme un exemple de coconstruction. Des éléments en lien avec la mise en place, le fonctionnement et le début des travaux des chantiers sont présentés. Dans la troisième partie de cet article, plus réflexive et plus personnelle, je m’intéresse à certains éléments importants dans la démarche de coconstruction des chantiers. J’y partage ce que j’ai appris, les défis rencontrés lors de la mise en place, de l’animation et du suivi de ces espaces de coconstruction ainsi que des pistes de réflexion pour la suite des travaux des chantiers.

Coconstruire des chantiers en éducation des adultes : pourquoi et qu’est-ce que cela implique ?

Dans cette section, je rappelle ce que nous souhaitions faire avec les chantiers et pourquoi la coconstruction a été choisie. La conception que nous avions de la coconstruction avant le lancement des chantiers et pendant les préparatifs du forum y est présentée.

Le point de départ : l’organisation du forum

En 2022, dès les premières discussions autour du forum à organiser, il était question de coconstruction. L’idée était de construire à plusieurs, ensemble cet évènement pour réfléchir au présent et au futur de l’éducation des adultes au Québec. C’est dans cette optique que s’est tenu les 7 et 8 juin 2023 le forum Construire l’avenir : l’éducation des adultes au service du bien public et du bien commun. Cet évènement était pensé en trois temps1 :

  1. Une démarche préforum impliquant la réalisation d’une série d’entretiens et de balados ainsi que l’organisation d’activités de réflexion avec des acteurs et des actrices du monde de l’éducation des adultes;
  2. Un forum de deux jours offrant des conférences, des moments d’échange et des ateliers;
  3. Une démarche post forum visant à mettre en place des chantiers de travail et de réflexion en éducation des adultes.

À cette fin, un comité-conseil du forum qui réunissait près de 20 personnes issues de différents secteurs et lieux d’éducation des adultes a été mis sur pied. Avec ce comité, nous souhaitions notamment planifier et construire ensemble le programme des deux journées de forum, et réfléchir au volet stratégique de l’évènement2. Il était important de rassembler une diversité de personnes afin de concevoir l’évènement en tenant compte d’une pluralité de points de vue et de perspectives. Le croisement des perspectives, des secteurs, des expériences et des compétences devait permettre d’organiser un évènement rassembleur pour le monde de l’éducation des adultes qui est très diversifié.

En lien avec le thème du forum – le bien public et le bien commun – la coconstruction semblait une façon de faire de cet évènement un bien commun, un moment qui appartient à tout le monde, qui concerne tout le monde, ou un « commun » au sens d’une communauté rassemblée pour se questionner, réfléchir, partager, créer des liens, construire et prendre soin ensemble de l’éducation des adultes.

Dans cet espace de coconstruction, la participation de ces personnes était davantage consultative que décisionnelle. En plus du comité consultatif, les instances de l’ICÉA ont été mobilisées (conseil d’administration et comité exécutif), de même que le comité PÉA3 avec lequel nous avons à plusieurs reprises organisé des moments d’échange sur le forum et sur les notions de bien public et de bien commun.

Une démarche préforum s’est imposée pour organiser des consultations avec divers acteur·ices du monde de l’éducation des adultes. Les entretiens et les balados réalisés ont permis de recueillir, d’écouter et de partager les points de vue et les réflexions sur l’éducation des adultes ainsi que sur le bien public et le bien commun de 60 personnes provenant d’une quarantaine d’organisations. Ces données ont par la suite été restituées lors du forum. Les entretiens et les balados effectués ont contribué à tenir compte d’une pluralité de points de vue. C’est un aspect qui a d’ailleurs caractérisé l’entièreté de la démarche du forum.

De plus, deux ateliers participatifs ont été organisés durant le forum. Le premier a permis de dresser une liste de principes clés permettant de favoriser le bien commun en éducation des adultes tandis que le deuxième a été l’occasion d’identifier des chantiers prioritaires à mettre en place pour répondre aux défis majeurs en éducation des adultes. L’un des objectifs du forum était justement d’identifier des chantiers à mettre en place afin de poursuivre avec les personnes et les organisations intéressées le travail de réflexion sur les défis majeurs en éducation des adultes.

Après ces quelques repères, il m’apparaît important d’examiner différentes définitions et conceptions de la coconstruction. Je m’intéresse également à quelques notions voisines : concertation, collaboration, coopération et cocréation.

Qu’est-ce que la coconstruction ?

Le terme de coconstruction est de plus en plus utilisé dans différents milieux et contextes (coconstruction des connaissances, coconstruction des politiques publiques, coconstruction comme méthode d’enseignement, etc.) de même qu’au sein de différentes disciplines. On trouve ainsi de nombreux usages du terme. Cependant, il n’est pas toujours défini. Comme l’expliquent Tremblay et al. :

Malgré un usage de plus en plus courant dans la littérature scientifique et professionnelle dans de nombreux domaines, la co-construction ne fait en effet toujours pas l’objet d’une définition stabilisée et d’une compréhension opératoire largement partagée. […] Le terme de co-construction jouit d’une grande popularité dans les écrits des domaines considérés, mais […] bien peu d’auteurs n’entreprennent d’en proposer une conceptualisation quelconque » (Tremblay et al., 2019 : 7).

Par ailleurs, dans beaucoup de documents, on utilise alternativement les termes de coconstruction, de cocréation, de collaboration et de participation comme s’ils étaient des synonymes, ce qui n’aide pas toujours à saisir leur spécificité.

Selon Foudriat, la coconstruction est une notion ambiguë car elle « peut désigner autant un résultat (le produit de la co-construction, la finalité d’une action) qu’un processus (une démarche, un dispositif, une dynamique d’acteurs) » (Foudriat, 2019 : 18). Il me semble que notre compréhension de la coconstruction comprenait ces deux aspects : une démarche participative pour construire et faire ensemble, et un résultat, le fruit des chantiers, les activités à réaliser au sein des chantiers, les objectifs à plus long terme, etc. Toutefois, la réflexion n’avait pas été clarifiée et poussée plus loin au départ.

Dans le Dictionnaire critique et interdisciplinaire de la participation, Akrich distingue quatre domaines où la notion de coconstruction est mobilisée :

  • « en sciences du langage4 où il renvoie à la participation de plusieurs locuteurs dans la production d’un énoncé ou dans la construction de sens ;
  • en psychologie du développement où il manifeste le rôle des interactions dans la construction des identités ainsi qu’en psychothérapie où il traduit la participation des patients à la définition de la démarche thérapeutique ;
  • en sciences de l’éducation où il dénote la volonté de sortir d’une transmission verticale des savoirs en associant activement et de manière collaborative les élèves ou les étudiants à la production des contenus de l’apprentissage, notamment grâce aux technologies de l’information et de la communication ;
  • en sociologie ou en science politique où il désigne l’existence d’une pluralité d’acteurs impliqués dans la production d’une politique, d’un projet, d’une catégorie, d’un dispositif technique ou de connaissances » (Akrich, 2013 : 1).

Dès le départ, ma conception de la coconstruction était proche de celle existante en sociologie et en science politique, laquelle suppose l’engagement et la participation de différents acteur·ices, organisations ou réseaux dans l’élaboration, la réalisation et la mise en œuvre d’un projet, d’un dispositif ou d’une action ou encore dans un processus de consultation ou de décision publique ou d’élaboration des politiques publiques5.

Selon les définitions ou les approches de la coconstruction, il ne s’agit pas seulement d’intégrer une pluralité d’acteur·ices et de confronter les points de vue, mais d’inclure des personnes ou des organisations dont les points de vue ne sont peu ou pas pris en compte (Foudriat, 2019) ou encore des personnes ou des organisations qui sont directement concernées par une situation ou par un problème. Il y a, dans cette perspective, une longue tradition de recherches collaboratives, participatives et de recherches partenariales au Québec comme ailleurs.

Toutefois, la coconstruction ne se limite pas à l’inclusion d’un certain nombre de personnes dans un processus. Celles-ci doivent l’être dès les débuts d’un projet. Concernant la coconstruction des politiques publiques, Vaillancourt mentionne que « la coconstruction a trait aux politiques publiques au moment de leur élaboration et non seulement au moment de leur mise en œuvre » (Vaillancourt, 2008 : 11).

D’après Foudriat (2019), la coconstruction

« […] désigne à la fois une forme de participation et des modalités types d’interaction : un ensemble d’acteurs sont engagés dans un travail d’observation, d’analyse, de réflexion, de recherche de propositions par rapport à un objectif qu’ils ont jugé important et qui fait sens pour chacun d’eux (par exemple, un projet de développement territorial ou une méthodologie d’inclusion des parents et des usagers dans l’élaboration des projets d’accompagnement que doivent définir les établissements sociaux et médico-sociaux) » (Foudriat, 2019 : 34).

La coconstruction comme expérimentation collective est alors « la résultante d’un ensemble de délibérations entre les acteurs parties prenantes, créateur d’une dynamique rendant possible l’émergence d’un accord » (Foudriat, 2019 : 17). En plus de la participation d’un ensemble d’acteur·ices à un processus ou à une démarche, la nature de la participation ainsi que les types d’échange et d’interaction viennent cadrer ce qu’est la coconstruction.

La coconstruction implique ainsi plusieurs éléments selon Foudriat (2019) :

  • La participation
  • L’innovation-création
  • La dimension dialogique
  • La dimension de production
  • La dimension performative
  • La dimension de compromis et de l’accord

Je poursuis à présent ma réflexion sur la coconstruction en examinant des notions apparentées.

Des notions apparentées : concertation, cocréation, coopération et collaboration

Quelle est la différence entre la coconstruction et la concertation ? Quand on se concerte, on s’entend pour agir de concert (Dico en ligne Le Robert). La concertation, d’après le Larousse, est une « pratique qui consiste à faire précéder une décision d’une consultation des parties concernées »6. Selon Touzard (2006), l’objectif de la concertation est d’arriver à un accord ou à un compromis, de résoudre ensemble un problème ou encore de prendre une décision collective. D’après Akrich (2013), la coconstruction implique « des modes d’engagement des acteurs sensiblement plus forts que ceux qui sont associés à la concertation ou à la consultation ». Dans le même sens, Foudriat mentionne que deux critères distinguent la coconstruction d’autres notions qui impliquent elles aussi des démarches participatives :

  • « le degré de délibération rendu possible par le dispositif ;
  • le degré d’implication des différents acteurs dans le processus décisionnel » (Foudriat, 2019 : 35)

En plus de réunir une pluralité d’acteur·ices, la coconstruction implique des processus et des moments de cocréation, de consultation, de négociation, de participation et de prise de décision plus engageant. Toutefois, même la concertation, écrit Touzard (2006) est un processus qui requiert « une participation des acteurs, active et souvent de longue durée, à la prise de décision, dans une optique de coopération » (Touzard, 2006 : 71). En effet, la recherche de consensus peut être un processus très long et exigeant.

La notion de cocréation est très proche de celle de coconstruction. Elle réfère au fait de réfléchir, de créer et de travailler ensemble pour résoudre un problème, générer de nouvelles idées, développer un concept, un produit, un service, une solution, etc. Certaines personnes utilisent la notion de coconstruction ainsi que celle de codesign pour référer au processus ou à la démarche et réserve celle de cocréation pour le résultat (la valeur cocréée), le résultat du processus de coconstruction. D’autres utilisent la cocréation pour parler du processus de « faire ensemble ». Fortin et Louesdon définissent la cocréation comme « une pratique collaborative de développement d’une initiative. Elle met l’accent sur l’exploration et l’interdisciplinarité, implique de nouvelles relations entre une diversité de personnes et utilise un processus créatif pour générer des résultats significatifs » (Fortin et Louesdon, 2021 : 15). Alors que Foudriat mentionne que la coconstruction est envisagée à la fois comme processus et comme résultat, Fortin et Louesdon soulignent que la cocréation est comprise comme un état d’esprit, comme une approche ainsi que comme une méthode ou une technique (p.16). Ces auteurs ont défini un modèle de processus de cocréation en six phases.

Tableau 1 : Les six phases du processus de cocréation selon Fortin et Louesdon (2021)

Tableau phases de cocréation

Qu’en est-il de la différence entre coconstruction, coopération et collaboration ? Selon le Larousse, la coopération est « [l’]action de coopérer, de participer à une œuvre commune ». « Coopérer c’est « agir et faire ensemble »7. Selon le dictionnaire USITO, la collaboration requiert de participer à l’élaboration d’une œuvre avec d’autres. Elle implique de poursuivre des buts communs, mais pas nécessairement de travailler sur le même projet ou la même action.

Dans le document La coconstruction : l’expérience des chantiers partenariaux de Communagir, on mentionne que « [l]e travail collaboratif est un des jalons de la coconstruction » (Michaud, 2017 : 7). Selon Foudriat (2016), « il n’y a pas de co-construction sans participation, mais toute participation ne suppose pas qu’il y ait co-construction » (Foudriat, 2016 : 29). Dans nombre de projets ou d’actions, des personnes sont effectivement amenées à participer ou à collaborer, mais pas toujours dans les balbutiements ou les premiers stades d’un projet ou d’une initiative, par exemple, la définition d’un problème et des objectifs ou encore l’identification de la finalité des actions. Cette participation peut se traduire par un apport ou un partage d’expertise à un moment précis d’un projet ou de façon ponctuelle. Elle peut également consister à donner son avis, à prendre part à une consultation ou à faire des propositions. Dans le document produit par Communagir, on mentionne justement que le processus de coconstruction ne se limite pas à un partage de savoirs, mais implique d’amorcer un « processus d’hybridation et de transformation de ces savoirs » (Michaud, 2017 : 7).

Ainsi, selon les définitions, une des différences serait le niveau d’engagement, d’investissement, de participation, de partage des responsabilités, de l’autorité et du pouvoir décisionnel. Il est aussi question du niveau d’interdépendance entre les personnes ou les membres du groupe. Pour certain·es, la coopération représente un niveau plus faible d’interdépendance par rapport à la collaboration. Là encore, on voit des différences dans les pratiques collaboratives. Qu’est-ce qui est mis en commun (connaissances, expériences, compétences, habiletés, etc.) dans la poursuite des buts communs ou dans la résolution de problèmes communs ?

Parallèlement, dans certains milieux, la notion de collaboration est vraiment très proche de celle de coconstruction. D’après Corriveau et Savoie-Zajc (2010), la collaboration suppose « une dynamique interactionnelle plus ou moins intense qui se tisse entre des personnes et qui tient comme idéal une culture collaborative où les personnes travaillent en cohésion autour d’un but commun, dans des relations d’interdépendance » (Corriveau et Savoie-Zajc, 2010 : 9). On peut penser à des exemples comme l’encyclopédie collaborative Wikipédia.

Chrislip (2002) va lui aussi dans le même sens que Corriveau et Savoie-Zajc et de Communagir en définissant la collaboration comme :

[…] une relation mutuellement avantageuse entre deux ou plusieurs parties pour atteindre un but commun, dans un processus qui implique le partage des responsabilités et de l’autorité. C’est donc plus que le simple partage des connaissances et de l’information (communication) et, également, plus qu’un type de relations permettant à chaque partie d’atteindre ses propres buts (coopération et coordination). L’objet de la collaboration est de créer une vision partagée et des stratégies articulées pour faire émerger des intérêts communs dépassant les limites de chaque projet particulier » (Chrislip, 2002 : 41-42).

Ainsi, la notion de coconstruction partage des éléments communs avec plusieurs notions apparentées qui impliquent notamment des formes variées de participation, de convergence vers des objectifs communs ainsi que de partage des responsabilités. C’est surtout l’usage qui est fait de ces expressions qu’il est important de saisir, car ce que nous appelons coconstruction, d’autres le nomment autrement : cocréation, collaboration, codesign, coopération, etc.

Cette section a permis d’examiner la notion de coconstruction et de la comparer avec d’autres notions pour mieux saisir les similitudes et les différences. Dans la section suivante, je prends les chantiers de l’ICÉA comme un cas, c’est-à-dire comme un exemple de coconstruction à explorer.

Les chantiers de travail en éducation des adultes : un processus de coconstruction en cours

Cette section débute par un retour sur la mise en place des chantiers. Puis, je partage mes réflexions ainsi que les apprentissages effectués depuis le début de la démarche.

Comment ont été mis en place les chantiers ?

Lors du forum, 20 chantiers ont été identifiés par les participantes et les participants. Après le forum, un travail de regroupement et de réécriture a été réalisé, d’une part, car plusieurs de ces chantiers référaient aux mêmes thèmes ou enjeux et, d’autre part, pour clarifier leurs formulations. Six chantiers ont découlé de ce travail. Au mois de septembre 2023, les personnes qui ont participé au forum ont été invitées à valider les libellés des chantiers ainsi que le document « Énoncé de mission et cadre de fonctionnement des chantiers issus du forum ». Ce document précisait notamment l’objectif de la démarche, le rôle de l’ICÉA et la durée des chantiers.

Les chantiers sont des espaces libres et autonomes d’exploration des moyens d’actualiser le bien public et le bien commun en éducation des adultes. Ils sont mis à la disposition des individus et des milieux de l’éducation des adultes par l’ICÉA à titre de laboratoires d’idées, d’échanges, de réflexions et de travail dont le fonctionnement, basé sur la coconstruction, constitue en lui-même un bien commun. Chaque participant·e aux chantiers est libre de faire siennes les idées explorées et de les communiquer publiquement en son nom, sur une base autonome ou avec d’autres8.

La consultation a permis de valider les libellés des chantiers et quelques modifications ont été apportées à leur formulation pour tenir compte des propositions et des commentaires reçus.

Au mois de novembre 2023, une séance d’échange a été organisée avec les personnes intéressées. Lors de cette rencontre, il a été question notamment du rôle de l’ICÉA, des objectifs de la démarche et de la durée des chantiers. Plusieurs personnes souhaitaient que l’ICÉA joue un rôle de premier plan, alors qu’au sein de l’organisation nous souhaitions apporter un certain soutien logistique (coordination) à la démarche pour le démarrage et le suivi des chantiers, mais qu’elle soit portée collectivement. Bien qu’étant une initiative de l’ICÉA, nous souhaitions que ces chantiers soient indépendants de l’Institut et que leurs objectifs et fonctionnement soient décidés par les membres du chantier. L’objectif était d’expérimenter la mise en place d’espaces de réflexion et de travail autonomes. De plus, l’idée était que ce qui est produit par les chantiers, le fruit de la coconstruction, appartiennent à tout le monde dans une optique de bien commun.

Cinq chantiers ont donc progressivement été mis en place à partir de février 2024.

  1. Collaboration et concertation entre tous les acteurs·ices de l’éducation des adultes;
  2. Reconnaissance et valorisation de l’éducation des adultes dans toute sa diversité;
  3. Accessibilité d’éducation des adultes;
  4. Politique d’éducation des adultes;
  5. Promotion de l’éducation et de l’apprentissage tout au long et au large de la vie.

Un sixième chantier était prévu sur le thème de la gouvernance de l’éducation des adultes, mais il n’a pas été lancé à ce jour. La plupart des personnes intéressées par ce chantier était déjà engagées dans un ou plusieurs autres chantiers.

Les chantiers réunissent des personnes œuvrant dans différents secteurs de l’éducation des adultes. Les travaux des chantiers ont commencé avec les personnes intéressées. En cours de route, des personnes se sont ajoutées, d’autres se sont retirées.

Concernant la durée des chantiers, l’ICÉA s’est engagé à les soutenir jusqu’en 2026, soit jusqu’à la fin de sa planification stratégique en vigueur (2021-2026) nommée Pour une société de l’apprentissage : l’éducation des adultes pour le bien public et le bien commun. Toutefois, les chantiers sont autonomes. Les travaux pourraient cesser si les membres ne sont plus disponibles ou encore lorsque les objectifs fixés seront atteints.

Le fonctionnement des chantiers

Afin de démarrer les travaux, une première rencontre par chantier a été organisée. Celle-ci visait à ce que les membres de chaque chantier définissent ensemble les objectifs, les résultats à atteindre (activités, livrables, etc.) ainsi que le mode de fonctionnement.

Durant ces rencontres, des périodes d’idéation, sans suivre une méthode particulière, ont permis d’identifier de nombreux objectifs et plusieurs activités. Dans certains cas, les objectifs étaient très ambitieux et demandaient beaucoup de temps et d’investissement. Les membres de chaque chantier ont alors décidé de prioriser certains objectifs en fonction de leur faisabilité et des disponibilités des membres.

Sans le formuler comme telle, nous sommes en quelque sorte passé par les trois phases de l’idéation : la phase de divergence, la phase d’émergence et la phase de convergence.

Figure 1 : Processus d’idéation ou « diamant de la participation » (inspiré de Kanner, 1996)

Schéma de l'idéation

Ces rencontres ont également permis de statuer sur le fonctionnement de chaque chantier (fréquence des rencontres, outils collaboratifs, partage des tâches, etc.). Plusieurs aspects ont été décidé collectivement :

  • Les rencontres se tiennent en ligne environ une fois par mois. Elles varient d’une à deux heures, selon les chantiers.
  • Un wiki, un site web collaboratif, est utilisé pour partager des informations telles que les dates, les comptes rendus des rencontres et les documents à lire, et pour avoir des espaces de réflexion et de travail collaboratif;
  • Il y a une rotation des personnes qui animent/facilitent les rencontres et qui prennent des notes;
  • D’autres outils collaboratifs peuvent être utilisés en fonction des besoins du chantier comme le tableau Excel, le pad collaboratif (un éditeur de texte collaboratif en ligne), etc.

Fonctionner uniquement en ligne comporte des avantages, mais entraîne des défis. Ce mode de fonctionnement a favorisé la participation de personnes qui n’auraient pas pu se déplacer à des rencontres en présence, notamment à cause de la distance. Cependant, s’il y a beaucoup de personnes, il faut bien gérer les tours de parole pour entendre tout le monde. Selon les rencontres et les chantiers, nous pouvions être de 5-6 personnes à une quinzaine de personnes. Par ailleurs, il a également fallu tisser des liens derrière nos écrans, ce qui n’est pas toujours évident.

Chaque chantier a fonctionné différemment en fonction des besoins, des réalités et des disponibilités des participantes et des participants.

Après coup, j’ai l’impression que pour démarrer ce processus d’intelligence collective, il y avait une intention claire : mettre en place des espaces de coconstruction pour réfléchir et travailler sur des enjeux importants en éducation des adultes. Toutefois, comment mener cette entreprise collective ? Personnellement, je n’avais pas une vision précise de tout ce que cela demandait. La structure apportée au processus était-elle appropriée ? Étais-je trop directive, ou pas assez ? Est-ce que je prenais trop de place dans le processus ? Fallait-il encadrer les chantiers ou les laisser aller ? J’avais un certain malaise avec mes différents rôles : participante au chantier, coordonnatrice des chantiers, professionnelle de l’ICÉA, etc. Ce n’est pas toujours évident de savoir dans ce genre de démarche si on parle en notre nom ou en celui de notre organisation, dans notre cas, l’ICÉA.

Le début des travaux et les premières réalisations des chantiers

En repensant à ce qui a été réalisé dans les premiers mois, je réalise que certains chantiers ont mis en place des espaces de réflexion et d’échange alors que d’autres ont travaillé sur des actions concrètes. Bien entendu, cela est appelé à se modifier avec le temps. Dans certains cas, les membres du chantier ont souhaité prendre le temps de clarifier leur compréhension du thème ou de l’objet du chantier lorsqu’ils avaient des perspectives différentes.

J’ai tenté de regrouper les réalisations pour avoir un meilleur portrait de ce qui a été accompli par les chantiers jusqu’à la fin du mois de juin 2024. Bien entendu, il s’agit de ma propre perception des réalisations qui met de côté un peu tout ce que les chantiers ont pu apporter aux personnes engagées dans cette aventure en termes d’apprentissage ou de connaissance. Par exemple, il y a eu des échanges très intéressants sur les enjeux d’accessibilité dans différents milieux (besoins en matière de conciliation études-famille-travail, de flexibilité des formations et des horaires, d’accompagnement et d’orientation des apprenant·es, etc.) ou encore sur des stratégies pour valoriser l’éducation des adultes et promouvoir l’apprentissage tout au long de la vie. Il y a eu des échanges entre des organisations qui ne se connaissaient pas, entre des personnes issues de secteurs qui ont peu ou pas d’espaces d’échanges intersectoriels.

Tableau 2 : Principales réalisations des chantiers de février à juin 2024

Tableau présentant les réalisations des chantiers

Cette section m’a permis de présenter quelques étapes clé de la mise en place des chantiers après le forum de juin 2023. Elle m’a également donné l’occasion de revenir sur leur fonctionnement et sur la manière dont la coconstruction s’est incarnée étape par étape. Enfin, j’ai pu partager quelques réalisations des chantiers. Dans la prochaine section, je propose une réflexion sur des éléments qui me semblent importants pour la réussite de cette démarche de coconstruction. C’est l’occasion de partager des défis rencontrés et des apprentissages réalisés.

Des apprentissages, des défis et des idées pour la suite

Dans les écrits, il est souvent question des facteurs de succès ou encore des conditions favorables ou essentielles à toute démarche de coconstruction. Bien entendu, il n’est pas question de chercher une recette qui fonctionnerait à tout coup. Néanmoins, il est intéressant de partir de ces facteurs ou conditions indispensables pour réfléchir au processus qui a été mis en place avec les chantiers en éducation des adultes et à ce qui pourrait être amélioré, selon moi.

Dans un document de réflexion sur les chantiers partenariaux, Communagir (2017) fait mention de cinq conditions essentielles pour mettre en place et animer des espaces de coconstruction :

  • Du temps;
  • De la confiance;
  • Une responsabilité partagée;
  • Un processus propice à l’innovation;
  • Un leadership et un soutien de qualité.

Il est aussi question dans les écrits d’autres facteurs, notamment le sentiment de contribution, la prise en compte de la parole de chacun·e, l’horizontalité, la transparence, la communication, l’implication et la participation des parties prenantes ainsi que la mise en commun et le partage des informations, des connaissances et des ressources (pour plus de détails, voir la synthèse réalisée par Guédé et al., 2019).

Inspirée par le document de Communagir, je propose, dans la section qui suit, des éléments de réflexion concernant des facteurs qui me semblent très importants en fonction de la démarche de coconstruction des chantiers en éducation des adultes.

Le temps et un soutien de qualité

Dès les balbutiements du projet, le temps s’est avéré être un enjeu important pour beaucoup de personnes. Au sein de chaque chantier, les disponibilités à court et à moyen terme des un·es et des autres ont été précisées. En cours de route, des personnes ont quitté le processus faute de temps, d’autres s’y sont joint. Certaines personnes ont participé sur une base régulière aux rencontres, d’autres de façon plus sporadique.

L’ICÉA souhaitait exercer un certain leadership pour mettre en place les chantiers et contribuer à la gestion d’une plateforme collaborative (wiki) pour les chantiers. Avec le recul, je réalise que le temps nécessaire pour la coordination des chantiers a été grandement sous-estimé. Ce travail s’est avéré beaucoup plus exigeant que ce qui était imaginé au départ. Or, même dans un processus de coconstruction, un tel travail s’avère nécessaire.

Ainsi, en plus de planifier les rencontres et de faire des relances, Sylvie et moi avons assuré le développement et la gestion du wiki (organisation des sections, création des pages, partage d’informations pour les membres des chantiers, etc.). De plus, nous avons régulièrement facilité des rencontres, pris des notes et réalisés les comptes rendus des rencontres. Nous avons également contribué aux travaux en créant des outils collaboratifs et nous avons alimenté les réflexions en partageant du contenu sur le wiki. Ce travail s’ajoutait à notre participation aux chantiers qui elle aussi demandait un temps de préparation avant les rencontres (relecture des comptes rendus, préparer des réflexions à partager, etc.).

Au départ, l’ICÉA souhaitait s’engager au même titre que les autres participant·e·s dans deux chantiers : Collaboration et concertation entre tous les acteurs de l’éducation des adultes (chantier 1), et Politique d’éducation des adultes (chantier 4). Cet engagement avait été décidé par les instances de l’ICÉA. Toutefois, dans la réalité, il était difficile de ne pas participer activement aux autres chantiers. Si nous souhaitions encourager la participation et l’engagement des un·es et des autres, quel aurait été l’effet de participer moins activement ou d’être là seulement comme observateur·trice ? Il me semble que cela allait à l’encontre de ce qui était souhaité. De plus, l’initiative était en train de prendre forme et il était important de donner du temps pour la concrétiser et contribuer à la faire vivre. Finalement, nous avons coordonné et contribué activement à tous les chantiers.

Un des constats qui peut être fait est qu’il est nécessaire de prévoir du temps et des ressources pour la coordination et le soutien technique des chantiers. Bien que soit mise en place une démarche de coconstruction favorisant la prise de décision et un leadership collectif, un soutien ou une coordination de qualité me semble nécessaire pour suivre les travaux et apporter un soutien logistique au besoin. L’ICÉA n’a pas de financement spécifique pour la coordination des chantiers et, plus largement, pour l’initiative des chantiers. Pour s’assurer que les ressources nécessaires (humaines, matérielles, etc.) sont déployées, la recherche de financement pourrait être une avenue à explorer.

De plus, au sein des chantiers, il ne faut pas seulement prévoir du temps pour les rencontres. Il importe de prévoir du temps pour les travaux entre les rencontres ou pour les travaux préparatoires aux rencontres, par exemple, effectuer des lectures, contribuer à des documents communs et rechercher et partager des informations. Je ne pense pas que tous les membres disposaient de ce temps. Pour la suite des travaux des chantiers, il sera important de préciser davantage ce qui est collectivement attendu en termes de travail et de temps.

La confiance

Dès le début, j’ai senti que les personnes intéressées à s’engager dans les chantiers avaient confiance en l’ICÉA. Je l’écrivais plus haut, plusieurs souhaitaient que l’ICÉA soutienne activement la démarche pour s’assurer de son bon fonctionnement. Il a justement fallu rappeler que l’ICÉA soutenait la démarche, mais que les chantiers étaient autonomes et indépendants par rapport à l’ICÉA.

Il était cependant important de développer des liens de confiance avec les membres de chaque chantier. Nous connaissions quelques personnes, mais dans la majorité des cas, les liens étaient à créer. Pour ma part, j’ai le sentiment que nous avons réussi à développer cette confiance au fil des rencontres et des échanges. Toutefois, a posteriori, je me demande si le flou qu’il y a eu à certains moments dans la démarche, si le fait de ne pas toujours savoir quelle direction prendre, si la démarche de coconstruction en elle-même a pu faire en sorte que des membres ont eu moins confiance dans la démarche ou dans notre capacité collective à coconstruire les chantiers.

Une responsabilité partagée

Cette dimension, selon moi, a représenté un défi particulier dans les débuts de notre démarche de coconstruction. Le fait de ne pas avoir pris le temps d’élaborer une compréhension commune de la coconstruction et de ses implications y a probablement été pour quelque chose.

Si nous avons collectivement décidé que certaines tâches fonctionnent par rotation (animation/facilitation des rencontres, prise de notes), ce n’est pas tous les membres qui se sont impliqués. Certaines tâches nous ont donc souvent incombées à Sylvie et moi. La rotation dans la réalisation des tâches a peut-être été moins naturelle dans certains chantiers. De même, il y a des personnes qui étaient moins à l’aise avec certaines tâches comme la facilitation des rencontres. Est-ce que collectivement nous avons été suffisamment clairs sur les tâches à réaliser et sur le partage des responsabilités ? Avec le recul, peut-être aurions-nous dû demander aux membres de mentionner deux compétences ou aptitudes pouvant être utiles au chantier, ceci afin de répartir certaines tâches et responsabilités en fonction des compétences et des aptitudes de chacun·e.

L’utilisation du wiki, d’après moi, a été très positive. Tout d’abord, cela a permis d’avoir un endroit où concentrer toutes les informations et la documentation, et ainsi éviter l’envoi de nombreux courriels. De plus, le wiki offrait la possibilité à toutes les personnes engagées dans un chantier de contribuer. Bien entendu, ce n’est pas tout le monde qui a eu ou qui a pris le temps d’y contribuer. Par ailleurs, pour les personnes qui n’avaient jamais utilisé de wiki ou qui étaient moins à l’aise avec l’utilisation de ce type d’outil, un temps d’apprentissage a été nécessaire.

Comment favoriser l’engagement dans la démarche et le maintien de cet engagement ? Assurément, les contributions peuvent et doivent être modulées en fonction des réalités et des contraintes des membres. Il faut toutefois trouver un équilibre entre cette modulation et le maintien de l’engagement de toutes et de tous au sein des chantiers. Prendre le pouls des chantiers de manière plus régulière serait certainement une bonne pratique à mettre en place.

Conclusion

Revenir sur la mise en place et les premiers mois de vie des chantiers qui ont été lancés dans la foulée du forum de 2023 a été très éclairant pour moi. Bien que la démarche de coconstruction soit encore en cours, j’ai senti le besoin de prendre un pas de recul et de me donner un temps de réflexion qui coïncidait avec la pause estivale des chantiers. En lisant davantage sur la coconstruction, nul doute que c’est le type de démarche ou de processus que l’ICÉA souhaitait mettre en place dès le début des travaux d’organisation du forum de 2023. En effet, la coconstruction est engageante. Elle répond au besoin de travailler et de « faire ensemble ». Elle mobilise l’intelligence du collectif et elle est un moyen de tenir compte de multiples voix et de croiser les expériences, les visions et les savoirs.

Bien entendu, c’est un type de démarche qui requiert du temps, de l’engagement, de la motivation et un partage des responsabilités. Il faut également créer un espace propice à la participation de toutes et de tous, nouer des liens de confiance et accepter d’entendre et de prendre en compte des idées et des points de vue différents (et même parfois de se « risquer » et de donner son point de vue…). La lancer est une chose, mais la faire durer en est une autre.

Il est fondamental de clarifier le plus possible les intentions et les attentes des un·es et des autres même si la démarche comprend toujours des zones d’inconnu et que les résultats ne sont pas connus d’avance. Il importe également qu’il y ait une compréhension commune de la coconstruction, du fonctionnement de chaque chantier et du rôle de l’ICÉA.

Les lectures effectuées m’ont fait réaliser que la structure que nous avons tenté de donner aux chantiers, Sylvie et moi, a permis de soutenir l’initiative. Au début de la démarche, nous hésitions beaucoup. La coordination des chantiers ne devait-elle pas être entièrement partagée ? Prenions-nous trop de place ? Comment exercer un leadership dans une démarche collective ? Comment favoriser un leadership collectif tout en assumant un certain rôle au niveau de la coordination des chantiers ? Avions-nous le droit comme membre et comme coordonnatrice des chantiers de partager notre point de vue ? Il y avait un certain flou dans les rôles. Cependant, il me semble aujourd’hui que ce n’est pas incompatible d’avoir une coordination pour la démarche des chantiers tout en favorisant au sein de ceux-ci la coconstruction, la prise de décision collective, le partage des responsabilités, etc. D’ailleurs, chaque chantier a, au bout du compte, développé sa propre façon de fonctionner.

Ce qui ressort pour moi c’est que les chantiers ont été à ce jour des espaces et des laboratoires d’échange, de réflexion et de travail extrêmement intéressants. Ils ont permis à des individus de tisser des liens et à des organisations de se découvrir et de se rencontrer. La diversité des points de vue, des perspectives et des préoccupations a constamment enrichi les échanges. Ils ont aussi été des espaces d’apprentissage. À mon sens, en réunissant des personnes issues de différents secteurs et milieux, ils ont contribué à prendre soin de ce vaste écosystème qu’est l’éducation des adultes et ont encouragé la collaboration pour relever des défis communs en éducation des adultes. Ils sont pour moi un bel exemple de bien commun.

Quelle est la suite des chantiers ? Assurément, poursuivre ce qui a été commencé et se réajuster si nécessaire en fonction des besoins, des réalités, des attentes et des disponibilités des personnes qui y participent.

Références

Akrich, M. (2013). Co-construction. Dans I. Casillo et al. (dir.), Dictionnaire critique et interdisciplinaire de la participation, DicoPart (1ère édition). GIS Démocratie et Participation. http://www.dicopart.fr/fr/dico/co-construction

Corriveau, L. et L. Savoie-Zajc (2010). « Introduction ». Dans L. Corriveau, C. Letor, D. Périsset Bagnoud et L. Savoie-Zajc (dir.), Travailler ensemble dans les établissements scolaires et de formation : Processus, stratégies, paradoxes. Bruxelles : De Boeck, p. 7-12. https://doi.org/10.3917/dbu.corri.2010.01.0007

Fortin, A. et F. Louesdon (2021). Se développer en rhizome. Guide pratique sur la cocréation. https://www.guidecocreation.com/

Foudriat, M. (2019). « Chapitre 1. Définition et dimensions de la co-construction ». Dans M. Foudriat, La co-construction: Une alternative managériale (2e édition). Rennes : Presses de l’EHESP, p. 15-36.

Foudriat, M. (2016). La co-construction : une alternative managériale. Rennes : Presses de l’EHESP.

Guédé, O. M., Tremblay, S., Sasseville, N., Leyrie, C., Bousquet, J., et Bizot, D. (2019). Vers un cadrage théorique interdisciplinaire portant sur la co-construction. Groupe de recherche et d’intervention régionales (GRIR), UQAC. https://constellation.uqac.ca/id/eprint/5334/1/__sfdep_dsh%24_ugrir2_Bureau_Manuscrits%202010%20et%20suivant_2019_olivier%20guede_Vers%20un%20cadrage%20th%C3%A9orique%20interdisciplinaire%20portant%20sur%20la%20co-construction.pdf

Michaud, S. (2017). La coconstruction : L’expérience des chantiers partenariaux de Communagir. Montréal : Communagir. https://communagir.org/medias/2017/12/coma_coconstruction-final.pdf

Touzard, H. (2006). « Consultation, concertation, négociation. Une courte note théorique ». Négociations 1(5) : 67-74. https://doi.org/10.3917/neg.005.0067

Tremblay S. et al. (2019), Vers une synthèse des écrits portant sur le concept de co-construction : regard croisé entre la gestion de projet et le travail social. Revue de Management et de Stratégie. http://www.revue-rms.fr/


  1. Pour en savoir plus sur cet événement, consulter : https://event.fourwaves.com/fr/forum2023icea/pages. ↩︎
  2. Une lettre ouverte, Il est temps d’agir en éducation des adultes, a été diffusée le 7 juin. https://icea.qc.ca/fr/actualites/lettre-ouverte-il-est-temps-d%E2%80%99agir-en-%C3%A9ducation-des-adultes%C2%A0 ↩︎
  3. Le comité PÉA est le comité des politiques en éducation des adultes. Ce comité soutient le conseil d’administration et l’assemblée générale dans la réflexion, la constitution de dossiers thématiques et l’élaboration de positions officielles. Il discute notamment du contenu des mémoires et des avis de l’ICÉA. ↩︎
  4. C’est l’autrice du présent article qui souligne en gras dans cet extrait. ↩︎
  5. Voir les travaux d’Yves Vaillancourt sur la coconstruction des politiques publiques, notamment : Vaillancourt, Y. (2019). « De la co-construction des connaissances et des politiques publiques ». Sociologies. https://doi.org/10.4000/sociologies.11589 ↩︎
  6. https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/concertation/17893 ↩︎
  7. https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/coop%C3%A9ration/19056 ↩︎
  8. https://icea.qc.ca/sites/icea.qc.ca/files/Vision_des_chantiers_et_cadre_de_fonctionnement_des_chantiers-1.pdf ↩︎

 


Citer cet article

Tremblay, É. (2025). « Mettre en œuvre un processus de coconstruction fondé sur le bien commun : l’exemple des chantiers de l’ICÉA en éducation des adultes ». Apprendre + Agir. https://icea-apprendreagir.ca/?p=1115

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