Édition spéciale 2025 d’Apprendre + Agir
Hama Thieni
Résumé
Dans cet article, nous nous intéresserons aux parcours de jeunes délinquant·es ainsi qu’à leurs premières expériences carcérales en nous appuyant sur les discours des mineur·es incarcéré·es à la maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou (MACO) au Burkina Faso. L’article privilégie une méthode qualitative avec l’exploitation de données provenant des récits de vie, des entretiens avec les acteur·trices institutionnels et non institutionnels et des observations faites au quartier pour mineur·es de la maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou. Les résultats montrent que les parcours de socialisation et les parcours de criminalisation des mineur·es incarcéré·es au quartier sont certes diversifiés, mais sont également explicatifs des défis éducationnels tant en milieu carcéral qu’à l’extérieur de la prison.
Mots clés : expériences carcérales, réinsertion sociale, mineur·es incarcéré·es, problèmes sociaux, trajectoires d’enfermement
Introduction
Le quartier pour mineur·es de la maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou (MACO), semble être un lieu stratégique pour saisir les problèmes sociaux que rencontrent les adolescents burkinabè. Aussi, ce lieu semble être sous les projecteurs de l’administration pénitentiaire, des intervenants pénitentiaires ainsi que des médias dans la mesure où ce quartier bénéficie régulièrement de visites de la part de ces différents acteurs. Peu de recherches ont été consacrées à la situation de l’enfant incarcéré au Burkina Faso. À l’exception des travaux de Fourchard (1999), Oubda (2019), Champy (2022) et Thieni (2025), les autres travaux ont plutôt effleuré la question de l’enfant incarcéré à travers une analyse de la gestion des illégalismes sociaux à la maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou Korbéogo (2014). De ce fait, des travaux comme ceux de Hochet (1967), Ramdé et al. (2015) et Touré (2021) reviennent de façon générale, sur les causes à la fois structurelles et conjoncturelles de l’entrée dans la délinquance des jeunes et adolescent·es au Burkina Faso avec son corollaire d’emprisonnement, de stigmatisation et de marginalisation. Par contre, ces aspects n’ont pas encore été explorés depuis des marges, comme la prison, pourtant cela est essentiel pour saisir de façon fine les enjeux et les défis de la gestion des illégalismes des mineur·es incarcéré·es. Ainsi, les enjeux sociaux, éducatifs et criminologiques liés à la délinquance juvénile des mineur·es incarcéré·es ne sont pas suffisamment documentés. De ce fait, quelles sont les causes ou raisons qui conduisent à l’incarcération des mineur·es ? Quelles sont les trajectoires d’enfermement qui conduisent les mineur·es appréhendé·es dans les prisons ainsi que les enjeux liés à leur réinsertion sociale ? Ces interrogations, à notre humble avis, n’ont pas reçu suffisamment de réponses pour le cas spécifique du Burkina Faso.
Dans cet article, nous comptons restituer, à travers les discours des mineur·es incarcéré·es, les problèmes sociaux, les trajectoires délinquantes ainsi que les enjeux éducationnels au sein de la société burkinabè, qui sont à l’origine de l’enfermement des mineur·es à la maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou (MACO).
Ainsi, les mineur·es incarcérés sont âgé·es de 13 à 18 ans. Les travaux scientifiques, comme ceux de Shahar (1990) et Ariès (1960), montrent que les âges de la vie, loin d’être des réalités naturelles, se construisent socialement à travers des normes et des représentations profondément ancrées dans des contextes culturels spécifiques. Bien que ces âges traduisent des transformations physiologiques indéniables, allant de la naissance à la mort, les catégories telles qu’enfance et jeunesse, englobant l’adolescence, restent marquées par une ambiguïté persistante (Champy, 2022). L’adolescence, en particulier, n’a pas toujours été perçue comme une catégorie distincte et autonome. Selon Ariès, l’évolution de la pensée sociale et des institutions a été lente et complexe :
Même si un vocabulaire de la petite enfance apparaît et s’étend, l’ambiguïté demeure entre enfance et adolescence d’une part, et cette catégorie qu’on appelait jeunesse. On n’avait pas l’idée de ce que nous appelons adolescence, et cette idée sera longue à se former (Ariès, 1960 : 56).
Ce processus d’évolution des conceptions sociales de l’enfance a abouti à la définition moderne des seuils d’âge, dont celui de 18 ans, marquant la transition vers l’âge adulte. Ce choix, bien que désormais largement accepté, n’a pas toujours été la norme. Champy (2022 : 14) souligne qu’auparavant, dans les décennies précédant les années 1960, de nombreux pays légiféraient pour définir le passage à l’âge adulte autour de 20 à 25 ans, avec une révision progressive qui n’a eu lieu qu’à partir de la fin des années 1960, période durant laquelle la majorité civile a été fixée à 18 ans dans la majorité des pays occidentaux. Par conséquent, l’âge de 18 ans, en tant que marqueur de l’enfance et de l’âge adulte, s’inscrit dans une logique socialement et historiquement construite, largement en phase avec les attentes en matière d’apprentissage et de scolarisation.
Parallèlement, l’âge de la responsabilité pénale est également une construction sociale, fortement influencée par les ordonnancements juridiques des sociétés contemporaines. Au Burkina Faso, selon la loi 15/2014 relative à l’enfance en conflit avec la loi ou en danger, est définie comme mineure toute personne ayant commis une infraction à partir de 13 ans. L’article 9 de cette loi stipule que : « L’âge de la responsabilité pénale est fixé à treize ans. L’âge de la majorité pénale est fixé à dix-huit ans révolus. Cet âge s’apprécie au jour de la commission des faits »1. En outre, la même loi précise qu’un enfant est en conflit avec la loi lorsqu’il est suspecté, accusé ou reconnu coupable d’un délit ou d’un crime. Au Burkina Faso, cette catégorisation juridique trouve sa traduction concrète dans les maisons d’arrêt et de correction, qui accueillent les mineur·es prévenu·es, inculpé·es, accusé·es ou condamné·es. Selon l’annuaire statistique du ministère de la Justice (2020), le pays dispose de 27 établissements pénitentiaires, chacun intégrant un quartier dédié aux mineur·es. D’après les données du livret sur les mineur·es en conflit avec la loi ou en danger (2021) entre le 1er janvier et le 31 décembre 2020, les maisons d’arrêt et de correction ont accueilli 485 mineur·es, dont 23 filles. Par ailleurs, l’annuaire statistique soutient que les mineur·es incarcéré·es en 2020 sont principalement âgés de 15 à 17 ans. Parlant du flux de la population carcérale mineure, celui de la MACO a historiquement été l’un des plus élevés parmi les établissements pénitentiaires du pays. L’annuaire statistique (2020) souligne que ce flux a oscillé entre 99 mineur·es en 2016, 54 en 2017, 32 en 2018, 27 en 2019 et 51 en 2020. Cependant, les données disponibles manquent de désagrégation par sexe, ce qui limite la possibilité d’une analyse différenciée de la situation des filles et des garçons. De plus, l’absence d’indicateurs concernant, par exemple, le pourcentage d’enfants détenus sans séparation des adultes, ou ceux ayant reçu une visite de leurs parents ou tuteurs, constitue un obstacle à une compréhension complète des conditions de détention des mineur·es. Dans cette étude, le terme « mineur·e détenu·e » désigne un·e enfant ayant été incarcéré pour une durée minimale d’un mois et dont l’âge est compris entre 13 et 18 ans, au sein de la MACO. Ces mineur·es sont logés dans des quartiers spécialement désignés « quartiers pour mineurs », en contraste avec les enfants et nourrissons qui résident dans les quartiers pour femmes, aux côtés de leurs mères.
L’usage du concept de problème social dans ce papier nécessite des éclairages. Il convient de souligner que la neutralité du concept de problème social ne fait pas l’unanimité, d’autant plus que le simple fait d’utiliser ce terme pour qualifier une situation revient à considérer cette dernière comme étant porteuse de conduites pathologiques ou problématiques. Cependant, pour Gusfield (2012), le concept de problème social nous permet d’ordonner notre compréhension et d’imaginer des actions. Pour cet auteur :
Le concept de problème social en tant que tel est lui-même partie prenante du processus qu’il décrit. « Maltraitance infantile », « développement des enfants » et « droit des enfants » : ce n’est pas une action neutre que de dire que la première catégorie concerne un « problème social », la deuxième un processus biologique et la troisième une question juridique. Chacune de ces dénominations a des implications et porte à conséquences. (Gusfield, 2012 : 113-132)
Ces exemples donnés par Gusfield, qui sont susceptibles d’éventuelles confusions entre les situations décrites, démontrent toute la pertinence de l’usage du concept de problème social pour qualifier ces phénomènes. En effet, au cours de l’enquête, nous avons identifié des problèmes sociaux qui revenaient comme un effet de boucle dans les discours des mineur·es. Cela nous a permis d’émettre un lien entre le « dehors » et le « dedans » en d’autres termes entre la société burkinabè et l’incarcération des mineur·es en prison. Durkheim, dans Les règles de la méthode sociologique (1937), associait les faits sociaux à des choses, des événements et phénomènes significatifs prenant la forme de manières d’agir, de penser ou de sentir extérieures à l’être humain et qui s’imposent à lui. Ainsi, les faits sociaux ont des dimensions à la fois objectives et subjectives. De ce fait, les problèmes sociaux dont nous faisons cas sont perçus dans une certaine mesure comme des faits sociaux. S’agissant de l’apparition d’un problème social dans l’espace public, Valette affirme que : « Dans ce contexte, l’irruption d’un problème social dans l’espace public nait d’une série de faits qui finissent par permettre sa construction et sa formalisation. Pour qu’il existe en tant que tel, le problème doit être reconnu, légitimé et apparaître susceptible d’être résolu par une intervention collective » (Valette, 2016 : 4). L’enquête au quartier pour mineurs nous a permis de constater une série de thématiques d’actualité pour certains et de phénomènes persistants pour d’autres. Il s’agit entre autres de la prolifération des lieux criminogènes, de l’activité sexuelle précoce des adolescent·es, de la récidive ou du retour en prison des mineur·es, des groupes de pairs délinquants, de la problématique du « mobile money », de la multiplication des actes de cambriolage, du phénomène des enfants de la rue et des illégalismes, mais aussi des trajectoires d’enfermement à la fois formelles et informelles. Ainsi, les objectifs du présent article sont d’analyser les trajectoires des jeune·es délinquant·es avant leur incarcération, d’étudier leurs expériences et perceptions de l’enfermement, et de mettre en lumière les défis éducatifs en prison, mais aussi dans la société burkinabè.
Méthodologie
Le présent article portant sur les parcours de vie des mineur·es incarcérés à la MACO se déroule à Ouagadougou, qui est la capitale du Burkina Faso. Cette ville abrite la plus grande prison du pays, la Maison d’Arrêt et de Correction de Ouagadougou (MACO). L’établissement est situé non loin du parc urbain Bangr-Weoogo. L’institution accueille des détenu·es adultes (hommes et femmes) et des mineur·es. Au moment de l’enquête, la MACO était constituée de cinq bâtiments : le grand bâtiment ou bateau2, le bâtiment annexe, le quartier d’amendement, le quartier des femmes et le quartier pour mineur·es. Ces bâtiments de détention permettent, certes, de séparer la population carcérale en fonction du sexe et de l’âge, mais ils ne tiennent pas compte de la situation carcérale, rassemblant ainsi les personnes condamnées, prévenues et mises en examen (inculpées). Le quartier pour mineur·es est en marge des autres bâtiments de détention sur le plan spatial. Les mineur·es incarcéré·es dans le quartier sont âgés de 13 et 18 ans.
Le présent travail fait suite à l’obtention d’une autorisation d’accès spécial avec couverture médiatique délivré par le ministère responsable de la Justice du Burkina Faso. L’approche qualitative a été privilégiée dans cette recherche, car elle permet de saisir les stratégies d’adaptation des mineur·es incarcérés, non seulement à travers leurs discours, mais aussi en analysant les interactions qu’ils entretiennent avec les autres acteurs du champ carcéral. Notre choix repose sur trois motivations essentielles :
- Explorer les dynamiques sociales du milieu carcéral : Il s’agit de comprendre comment les mineur·es s’adaptent à la prison et comment ils mobilisent diverses ressources pour améliorer leurs conditions de détention.
- Analyser les interactions et les logiques de justification : La méthode qualitative permet d’examiner les rapports entre mineur·es et autres détenus, ainsi que les interactions avec les membres de l’administration et les intervenants extérieurs.
- Comprendre le sens des expériences carcérales : Plutôt que de quantifier des phénomènes, il s’agit ici de mettre en lumière les logiques sociales et les perceptions des détenus face à l’enfermement.
Notre approche méthodologique se veut compréhensive en s’intéressant aux significations que les individus attribuent à leurs actes et à leur situation. De ce fait, des techniques et des outils de la méthode qualitative à travers des entretiens, des observations, des récits de vie et des groupes de discussion (focus group) ont été utilisés. De façon spécifique, nous avons mis la focale sur les expériences carcérales des mineur·es avec un accent particulier sur les entretiens à caractère biographique (Bertaux, 2016) en vue d’appréhender, d’une part, les réalités du monde social des enquêtés et, d’autre part, les ressentis des mineur·es et les premières expériences au cours de l’incarcération à la MACO. La collecte des données s’est déroulée de décembre 2020 à mai 2021. Pour constituer l’échantillon des mineur·es pour la recherche, nous avons tenu compte des caractéristiques suivantes : l’âge des mineur·es, leur situation carcérale, le niveau d’étude, le sexe, l’infraction commise, la situation familiale et la durée en détention. Au total, l’échantillon compte 40 personnes enquêtées, dont vingt mineur·es incarcéré·es, qui constituent la population cible de notre étude, ainsi que vingt autres acteur·rices, institutionnel·les et non institutionnel·les, impliqué·es dans la prise en charge des mineurs incarcé·es. Les entretiens ont été réalisés dans les langues locales (mooré et fulfuldé) et en français. Nous avons utilisé le logiciel de retranscription easytranscript.
Pour les questions éthiques, nous avons adressé une fiche de consentement aux parents des mineur·es avec l’appui du service social de l’institution avant la collecte. L’objectif de l’enquête a été aussi expliqué aux mineur·es en vue d’obtenir leur participation. Seuls les mineur·es dont les parents étaient consentants ont pris part à l’étude.
Par ailleurs, le principe de saturation et de triangulation des données devait servir de boussole dans la collecte des données (Olivier De Sardan, 2008). Nous avons constitué un échantillon volontaire pour la population cible de vingt mineur·es âgés de 13-18 ans. Nous avons procédé de la sorte en retenant l’ensemble des mineur·es dont les parents étaient consentants pour l’entretien avec leurs enfants. Nous avons attribué des codes (MIM suivi d’un chiffre quand c’est un mineur et MIMF suivi d’un chiffre quand c’est une mineure) en vue de préserver la confidentialité et l’anonymat des personnes enquêtées. L’article se structure autour des axes suivants : les parcours des jeunes délinquant·es incarcéré·es, leur sociabilité secondaire, les lignes transgressives, les trajectoires d’enfermement, les expériences carcérales et la socialisation en détention ainsi que les défis éducationnels en prison et les perspectives de réinsertion.
Résultats et discussion
Parcours des jeunes délinquants : entre sociabilité et transgression
Au-delà du fait que les récits de vie des personnes enquêtées permettent d’appréhender leur parcours et leurs trajectoires, ils constituent dans le présent travail un thermomètre qui permet de prendre la température de la société où ont évolué les mineur·es incarcérés au quartier. Ainsi, les résultats montrent que les facteurs de la délinquance juvénile chez les mineur·es s’appréhendent au niveau de la dynamique familiale, sociale et économique, mais aussi à partir de l’influence des pairs et des réseaux de sociabilités secondaires. L’exploration de la sociabilité secondaire des personnes mineures de la MACO a consisté en un échange avec elles sur les relations sociales spécifiques qu’elles entretenaient avec leur famille, les réseaux de sociabilité transgressifs ou non transgressifs auxquels elles appartiennent, l’existence d’opposition dans les réseaux de sociabilité, les appartenances multiples aux groupes de pairs et conflits d’appartenance, les pratiques et les occupations avec les réseaux de sociabilité, la journée type, les loisirs et les activités avec les copains.
Entre influences sociales et construction identitaire
Les récits de vie des mineur·es révèlent la complexité des trajectoires individuelles et les multiples facteurs qui influencent l’entrée dans la délinquance. La ligne de sociabilité secondaire renvoie à l’ensemble des relations et des influences sociales qui interviennent en dehors du cadre familial immédiat. Elle englobe notamment les interactions avec les pairs, l’école, la rue, les institutions de contrôle social (police, justice, centres de réinsertion), ainsi que les groupes déviants auxquels certains mineur·es peuvent s’identifier. Ces interactions contribuent à modeler leurs trajectoires, en fonction des ressources, des opportunités ou des contraintes qu’elles génèrent.
Des lieux criminogènes
Dans les discours des mineur·es interrogé·es, certains quartiers de Ouagadougou reviennent fréquemment comme des foyers de délinquance : les zones non loties, Karpala, la Gare routière, la Mosquée Oumarou Kanazoé, Dapoya et la ZAD. La trajectoire de « MIM2 » (inculpé, 16 ans, poursuivi pour homicide volontaire, durée d’incarcération 12 mois) illustre l’impact de l’environnement social sur la délinquance. Il témoigne :
C’est dans la mécanique que j’étais jusqu’à ce que cette histoire de bagarre m’amène ici. En plus, la mécanique, je ne travaillais pas les dimanches. C’est pourquoi, les dimanches, comme il n’y avait rien à faire et que la gare routière n’était pas loin de chez moi, j’avais l’habitude de prendre mon vélo pour m’y rendre, discuter et passer toute la journée (MIM2).
Ainsi, les propos de « MIM2 », à l’instar de ceux de nombreuses autres personnes enquêté·es, illustrent le rôle central des gares routières comme espaces de socialisation délinquante. Ces lieux, où se croisent des individus issus de divers milieux sociaux et ethniques, sont souvent le théâtre d’actes de vol, d’escroquerie et de violences quotidiennes, exacerbés par une précarité économique omniprésente. Résider à proximité de ces zones criminogènes expose ainsi les familles à un risque accru de confrontation avec des comportements déviants. L’influence de l’environnement sur la déviance des mineur·es incarcéré·es rappelle les travaux pionniers de Shaw et McKay (1940) en écologie urbaine, qui ont démontré que la criminalité prospère dans les quartiers marqués par trois facteurs clés : la pauvreté, une forte instabilité résidentielle et une hétérogénéité ethnique élevée.
De la sexualité des adolescent·es
L’histoire de « MIM5 » illustre la problématique de la gestion de la sexualité chez certains adolescent·es et l’affaiblissement des tabous entourant la sexualité juvénile. L’absence de surveillance parentale et l’insuffisance d’éducation sexuelle sont des facteurs qui contribuent à l’exposition des jeunes à des comportements à risque. Le témoignage de « MIM5 » (inculpé, 17 ans, poursuivi pour abus sexuels et incarcéré depuis huit mois à la MACO) met en lumière l’absence d’accompagnement et la complexité de la gestion de la vie sexuelle chez les adolescents. D’où les propos suivants : « Mon affaire, là, c’était bon. La fille et moi, on se connaissait, c’était ma copine. Ce jour-là, je sortais pour aller au grain de thé quand elle m’a appelé chez elle. Alors, je suis allé. C’est sa mère qui nous a surpris [en train d’avoir des relations] dans la maison » (MIM5). Ainsi, ce témoignage rappelle un fait retentissant à Ouagadougou, où une vidéo de viol collectif sur une jeune lycéenne, diffusée sur les réseaux sociaux dans la nuit du 15 au 16 février 2018, avait suscité une vague d’indignation3. Face à l’émoi national, le ministère de la Femme, de la Solidarité nationale et de la Famille avait publié un communiqué exhortant les parents à mieux encadrer l’éducation morale et sexuelle de leurs enfants4. Ces genres de situations, de plus en plus fréquentes, interpellent la société burkinabè sur la nécessité d’insister sur l’éducation à la vie sexuelle chez les adolescent·es.À l’analyse, les dynamiques de ces actes de déviances sexuelles pourraient trouver leur explication dans la théorie de l’activité routinière de Cohen et Felson (1979), qui postule que la criminalité résulte de la convergence de trois éléments : un individu motivé à commettre une infraction, une cible vulnérable et une absence de surveillance ou de contrôle social efficace. Ainsi, dans le contexte burkinabè, la faiblesse du suivi parental apparaît comme un facteur déterminant dans l’exposition des adolescent·es à la déviance sexuelle et aux comportements transgressifs.
Le retour en prison ou la récidive
L’un des défis de la justice juvénile au Burkina Faso est l’incarcération dans un quartier pour mineur avant une remise aux parents ou un éventuel placement dans un centre de réinsertion sociale. Cela semble compromettre les perspectives d’amendement des mineur·es. Ainsi, le phénomène du retour en prison remet non seulement en question l’efficacité du système pénitentiaire, mais aussi la responsabilité des parents et de la société dans l’encadrement des jeunes en difficulté. La récidive est une problématique centrale au sein du quartier des mineurs de la MACO. Les propos de « MIM6 » (inculpé, 15 ans, poursuivi pour vol et escroquerie, 14 mois d’incarcération) rendent compte de ce fait :
J’étais au centre […] [un séjour au quartier pour mineurs avant son placement dans un centre]. Je suis venu pour les vacances de fin d’année. Tu sais, la justice m’avait envoyé là-bas (première infraction). Je devais repartir après les vacances, mais je suis resté pour aider mes parents à travailler [il a refusé de rejoindre le centre à la suite d’un vol dans un village voisin pendant les vacances [plus tard, il a été intercepté par la police] (MIM6).
Ce récit met en exergue les limites du système de réinsertion sociale pour les mineur·es. Selon les données recueillies auprès du service social de la MACO, « MIM6 » n’a pas poursuivi sa scolarité, pour le service social, ce mineur a tout simplement fugué du centre où il avait été placé par les juges. L’histoire de MIM6 nous permet d’interroger et de remettre en cause les mécanismes de suivi et d’accompagnement des mineur·es placés dans les centres de réinsertion sociale. À l’analyse, il nous apparaît que l’incarcération avant le placement des enfants dans des centres de réinsertion sociale et professionnelle pourrait être à l’origine de l’échec de la réinsertion sociale et de l’amendement des mineur·es. D’ailleurs, la détention avant le procès dans les maisons d’arrêt n’est pas spécifique à l’ordonnancement juridique du Burkina Faso. Beaucoup d’enfants reviennent en prison pour diverses raisons. D’ailleurs, il nous a été confié par les acteurs institutionnels que certains enfants vivants dans la rue choisissent volontairement de revenir en prison. À travers la commission d’infractions dites mineures pendant la saison hivernale (pluvieuse), ces mineurs n’auraient qu’un seul but, celui de bénéficier du gîte et du couvert disponible en prison.
L’école et l’influence des groupes de pairs
Les témoignages recueillis montrent que de nombreux jeunes incarcérés ont connu un parcours scolaire chaotique, marqué par des échecs répétés, des exclusions et un décrochage progressif. Ainsi, l’école, qui est censée être un facteur d’émancipation, devient alors un espace de stigmatisationoù ces mineur·es accumulent un sentiment d’incompétence et d’exclusion sociale. Ce rejet du cadre scolaire s’accompagne souvent d’un basculement vers des activités informelles, qui permettent de compenser cette marginalisation institutionnelle. Certains mineur·es se tournent vers des petits trafics ou des activités de rue, où ils trouvent une reconnaissance que l’école ne leur a pas offerte. Cette transition reflète un processus de désengagement institutionnel, qui renforce leur vulnérabilité face aux influences criminogènes. Parlant, du rôle des groupes de pairs dans l’engagement délinquant, le témoignage de « MIM8 » (inculpé, 17 ans, poursuivi pour vol et viol, incarcéré depuis quatorze mois) indique :
Quand je suis arrivé dans la ville de […]. Je ne dormais pas dans la rue. Mais en regardant mes camarades et moi, ce n’était pas la même chose. Je ne me battais pas, mais je voyais d’autres se battre. Certains portaient des couteaux, mais moi, jamais. Je voyais aussi des enfants qui se blessaient en jouant (combats de rue), et d’autres qui fréquentaient les maquis [débits de boissons]. Moi, je n’y entrais pas (MIM8).
Ses propos sont toutefois contredits par un autre mineur du même groupe d’appartenance («MIM3 »), qui affirme que « MIM8 » était en réalité le chef d’un groupe violent, impliqué dans la rue et la fréquentation des bars et débits de boissons. L’influence négative des groupes de pairs rejoint l’analyse de Glowacz et Born (2017), qui considèrent que le groupe de pairs est une répétition du monde adulte, où l’adolescent·e apprend à gérer les interactions sociales. Cependant, dans le cas des mineur·es incarcérés, cette socialisation semble favoriser l’intériorisation de normes déviantes, notamment dans un contexte où la non-effectivité de régulation des lieux de loisirs (maquis, débits de boissons) facilite les comportements transgressifs. Ainsi, l’un des facteurs les plus récurrents dans les trajectoires des jeunes incarcéré·es est l’influence du groupe de pairs, qui constitue une instance essentielle de socialisation secondaire. Les relations amicales et les réseaux sociaux dans lesquels évoluent ces mineur·es peuvent faciliter la transmission de normes et de valeurs en contradiction avec celles prônées par la société dominante. Dans de nombreux cas, les mineur·es développent une appartenance à des groupes informels, qui leur offrent une forme de reconnaissance sociale et de protection. Ces groupes fonctionnent parfois sur des logiques de solidarité, mais peuvent aussi inciter à la délinquance en normalisant certains comportements déviants. L’adhésion à ces réseaux influence leur perception du monde, leur rapport à la loi et leur gestion des conflits. Ainsi, un jeune issu d’un environnement marqué par l’exclusion ou la précarité économique peut trouver dans ces groupes une forme de statut social, une identité et un sentiment d’appartenance qui le confortent dans des pratiques illégales. L’exposition répétée à ces modèles déviants favorise un processus d’apprentissage de la transgression, où les jeunes assimilent progressivement des comportements à risque (vol, violence, trafic de drogue, etc.). Ce phénomène peut être analysé à travers la théorie de l’apprentissage différentiel d’Edwin Sutherland, selon laquelle la délinquance s’acquiert par interaction avec des pairs qui valorisent et justifient ces pratiques. La trajectoire de socialisation secondaire des mineur·es incarcérés révèle que leur basculement dans la déviance s’est opéré de manière inattendue, y compris pour eux-mêmes. En effet, chacun d’eux exerçait initialement une activité légitime, reconnue comme telle par son entourage. Il serait alors tentant de considérer que ces jeunes se sont engagés dans des actes perçus comme anodins, sans en mesurer pleinement la gravité, probablement en raison de leur immaturité ou de leur naïveté. L’étiologie de ces conduites déviantes repose sur une combinaison de facteurs hétérogènes, intégrant des dimensions rationnelles, mimétiques et coercitives. Toutefois, au-delà des motivations individuelles, plusieurs éléments structurels apparaissent déterminants dans l’explication de ces trajectoires : l’absence de suivi et d’encadrement familial, l’influence des groupes de pairs, le déficit d’éducation à la sexualité et la fréquentation de milieux dits criminogènes. Autant de paramètres qui façonnent et favorisent l’entrée dans la déviance des mineur·es détenus à la MACO.
Lignes transgressives et processus de marginalisation
Les lignes transgressives font référence aux premières infractions commises par les adolescent·es. Nous avons échangé avec les mineur·es sur les causes des infractions commises par les adolescent·es, l’initiation aux activités délinquantes, la durée dans le milieu délinquant, la nature des infractions, les mécanismes d’acquisition et de transmission des techniques délinquantes et les territoires de transgression dans lesquels opèrent les adolescent·es. Ainsi, les lignes transgressives sont caractérisées par des expériences de transgression et des passages à l’acte délinquant, mais aussi par une rupture avec les institutions sociales (école, famille, etc.).
Les illégalismes liés au « mobile money »
Le « mobile money » est une forme de transaction de fonds à travers les réseaux de téléphonie. Les client·es de ces compagnies peuvent faire des dépôts et des retraits d’argent à travers leurs numéros de téléphone. Depuis une dizaine d’années, on constate un engouement autour des « mobile money », notamment les kiosques et les boutiques de transaction dans les villages et villes du Burkina Faso. Beaucoup de personnes, compte tenu du manque d’emploi, se sont investies dans les boutiques de « mobile money ». Cette activité, malgré le fait qu’elle rapporte des revenus conséquents aux personnes qui s’y adonnent, est aussi infiltrée par des arnaqueurs5 qui arrivent régulièrement à tromper les populations par des procédures de plus en plus invraisemblables. Les tenanciers des boutiques de « mobile money », tout comme les adolescent·es, ne font pas exception aux manipulations sophistiquées et aux arnaques de ceux qui sont appelés des « brouteurs » autrement dit des escrocs. C’est le cas d’une détenue mineure âgée de 17 ans avec le nom d’emprunt « MIMF1 » qui est inculpée pour des faits d’escroquerie. « MIMF1 » avait demandé une machine à coudre à sa mère après sa formation en couture. Comme cette dernière tardait à lui offrir, elle a sauté sur l’occasion qu’un prétendu bienfaiteur lui offrait pour l’avoir.
Avant, j’apprenais la couture et je voulais une machine [à coudre]. J’ai demandé à ma maman et puis elle m’a dit OK et elle ne paye pas. La personne [arnaqueur] m’a appelé qu’elle va m’aider que d’aller chez orange money et de dire à l’homme le [gérant] de faire un dépôt de 300 000 FCFA. Celui qui m’a appelé [arnaqueur] m’a dit que si j’arrive chez « orange money » là ils vont me dire que le numéro là ça ne passe pas, que ça n’existe pas. Moi aussi je suis partie dire au jeune là [gérant du kiosque] il a envoyé [l’argent] et il m’a demandé d’après l’argent-là [après un envoie d’argent, il faut remettre la somme d’argent au gérant du kiosque]. Je lui ai dit quel argent ? Et puis la personne vient me dire que ce sont des escrocs [le gérant s’est rendu compte que c’est un acte d’escroquerie]. Lorsque, le gérant a appelé au numéro 120 d’orange money [pour la vérification] et ils ont dit que la personne [arnaqueur] à retirer l’argent. C’est à cause de ça je suis ici. (MIMF1)
À l’analyse, on se rend compte que l’enquêtée a été victime d’une arnaque. Le gérant de la boutique de « mobile money » a ainsi porté plainte contre elle. En attendant d’éclaircir la situation, elle a été placée en détention préventive, car elle était soupçonnée de complicité avec les arnaqueurs. Cela pose donc aussi la question du mécanisme d’enfermement des mineur·es avant le jugement. Au cours des échanges, nous avons constaté que l’adolescente ne comprenait pas pourquoi elle a été appréhendée par les forces de l’ordre. D’ailleurs, « MIMF1 » ne se reconnait pas dans l’acte d’escroquerie qui lui est reprochée. Ainsi, à la suite de son incarcération à la MACO, l’adolescente se sentait non seulement incomprise par la société, mais aussi stigmatisée par les autres femmes du quartier. Lors de l’entretien, elle disait être innocente et non responsable de l’acte dont on l’accuse. Cette situation de l’adolescente rappelle le double sens d’individu étranger, c’est-à-dire « l’outsider », de Becker (1985), quand il affirme :
Les normes sociales définissent des situations et les modes de comportements appropriés à celles-ci : certaines actions sont prescrites (ce qui est « bien », d’autres sont interdites (ce qui est « mal »). Quand un individu est supposé avoir transgressé une norme en vigueur, il peut se faire qu’il soit perçu comme un type particulier d’individu, auquel on ne peut faire confiance pour vivre selon les normes sur lesquelles s’accorde le groupe. Cet individu est considéré comme étranger au groupe [outsiders] ». (Becker, 1985 : 25)
En fonction de son rapport au fait déviant, l’étiquetage de l’individu par le reste de la société n’est pas appréhendé et vécu de la même façon ni par le déviant ni par la société. D’ailleurs, « MIMF1 » a estimé au cours de notre entretien que les autres (la société) ne peuvent pas lui en vouloir, car ils n’ont pas vécu ce qu’elle a vécu, notamment, les différentes promesses non tenues par sa mère par rapport à l’achat de la machine à coudre ainsi que le fait d’avoir attendu pendant longtemps sans rentrer en possession de sa machine à coudre.
À l’analyse, nous avons constaté que d’autres mineur·es s’intéressent à ce secteur d’activité. En effet, au quartier pour mineurs, les adolescents nous ont informés des codes illégaux en lien avec le codage et le verrouillage des téléphones à distance et le transfert d’argent dans les boutiques de « mobile money ». Si déjà à l’intérieur de la prison, des adolescents font cas des procédures illégales en lien avec les nouvelles technologies de l’information et de la communication (codage de téléphone à distance, transfert d’argent), c’est surement qu’ils ont été imprégnés de la situation par les pairs en détention, mais cela n’exclut pas l’acquisition de ces mêmes techniques à l’extérieur de la prison. Cette situation de familiarité avec les pratiques délinquantes dans le monde des nouvelles technologies de l’information et de la communication nous a convaincus que ce que nous avons entendu au quartier dans ce domaine n’est que la partie visible de l’iceberg.
Acte de cambriolage : Un proche parent victime
L’actualité sur les actes de banditisme souligne que les actes de cambriolage et de braquage semblent s’être intensifiés dans la ville de Ouagadougou6. Par ailleurs, le constat est que personne n’est à l’abri des cambrioleurs, même les proches parents des auteurs d’actes de cambriolage. La proximité du délinquant avec un parent peut se retourner contre ce dernier. Surtout, si les relations entre le délinquant et son proche ne sont plus au beau fixe. Mais, même, en pareille circonstance, le délinquant va agir avec tact en associant d’autres délinquants à la commission de l’acte. Il s’agit sans doute d’une stratégie pour brouiller les pistes au cas où les choses tourneraient mal. C’est le cas de « MIM12 », âgé de 17 ans et inculpé pour des faits de vol par effraction de téléphones portables et d’un pistolet. Cet adolescent nous raconte son opération de cambriolage chez son oncle :
On a pris un portable et un pistolet, les portables simples étaient au nombre de quatre, les smartphones étaient au nombre de deux. En fait, on était au nombre de trois personnes. Bon, j’étais chez mon oncle. Je dormais là-bas entre temps je suis revenu chez ma maman. Maintenant, on s’est levé pour aller chez mon oncle en question (pour voler). […] On s’est donné des idées pour prendre les portables là et quand on a tiré le tiroir on a vu une arme et on a pris l’arme. Mais quand on est arrivé chez ma maman seulement elle a vu l’arme. Ma maman a alors demandé, j’ai alors dit que c’est l’arme du tonton. (MIM12)
« MIM12 » vivait d’abord avec son oncle dans un appartement dans la ville de Ouagadougou. Les relations entre l’oncle et son neveu se sont détériorées et « MIM12 » a été obligé de rejoindre sa mère dans un autre quartier de la ville. N’ayant pas digéré la séparation d’avec son oncle, plus tard, l’adolescent revient pour cambrioler la villa de son oncle en compagnie d’amis. Il aurait été interpellé par les forces de sécurité à la suite de la dénonciation de sa mère. Par ailleurs, le phénomène de cambriolage semble s’installer durablement comme pratiques en zones urbaines. Ainsi, selon l’annuaire statistique du ministère de la Sécurité7 (2022 : 161-162), les agressions à main armée dans les différentes villes du pays sont passées de 1048 agressions en 2021 à 3615 en 2022. Il est difficile de faire un mois sans apprendre dans les médias, les conférences de presse et les communiqués des forces de sécurité sur l’arrestation de groupes de braqueurs sévissant dans les quartiers. Parlant de la région du centre où se trouve Ouagadougou, sur la période de 2021 à 2022, les agressions à mains armées sont passées de 415 attaques à 2836. En outre, les victimes dans cette région sont passées de 347 en 2021 à 3005 en 2022. Il faut souligner que ces agressions sont liées aux braquages et aux attaques à main armée dans les villes et sont différentes des attaques menées par les groupes armés terroristes8.
D’ailleurs, avec l’avènement du terrorisme, l’insécurité s’est non seulement renforcée, mais aussi propagée dans les différentes régions du Burkina Faso (Ouédraogo, 2020). Selon nos échanges avec les mineur·es incarcéré·es, la tendance dans le milieu des cambrioleur·euses est que pas mal de mineur·es en fugue ou dans la rue sont employés par les adultes comme receleur·euses de produits de vol et de cambriolages. Pour ce faire, des maisons ou des locaux sont loués la plupart du temps dans les zones non loties (quartiers informels) par des adultes, mais qui sont occupées par des mineur·es qui y vivent, en gardant et en prenant soin des produits issus des actes de vols et de cambriolages des adultes, faisant ainsi de ces mineur·es des complices.
Les enfants en situation d’itinérance ou les « abonné·es » à la délinquance
Les enfants vivants dans la rue constituent un problème social au Burkina Faso. Des travaux du ministère chargé de l’Action Sociale (2008) ont montré que la ville de Ouagadougou accueillait la majorité des enfants vivants dans la rue du pays. Ces enfants qui s’appellent entre eux « bakoroman » utilisent la rue comme lieu de vie et de recherche de la pitance quotidienne (Champy, 2022). Dans l’imaginaire collectif, les enfants vivants dans la rue sont perçus comme étant de jeunes talibés (apprenants des écoles coraniques) n’étant donc pas allés à l’école régulière ou qui serait en situation de décrochage scolaire. Au cours de notre enquête, nous avons croisé un mineur âgé de 17 ans « MIM7 », auteur présumé de vol par effraction de téléphones portables. « MIM7 » nous raconte son opération de vol par effraction :
J’ai volé dans une boutique de télécom. Je suis allé cambrioler et puis prendre 34 téléphones Android et un ordinateur […]. Je faisais la classe de seconde […], mais on ne faisait pas cours. J’ai choppé des portables et on m’a attrapé (rires). J’étais avec des amis (pairs déviants) à […]. Tu sais, moi j’aime la vie dans la rue, je vis dans la rue. (MIM7)
La vie de « MIM7 » au-dehors était à l’image d’individus déviants appartenant à des bandes d’adolescents organisées. En effet, le monde des « bakoroman » (enfants de la rue) servait de couverture à cet enquêté, au moment où il dormait dans la rue. Il appartenait à des groupes de cambrioleurs, mais avec une spécificité que chaque membre de la bande doit organiser son opération de vol tout seul. Dans ce type de bande, les membres sont suffisamment indépendants et professionnels dans le vol et le cambriolage. C’est pourquoi, il est toléré d’organiser son opération de vol. En cas de succès, l’individu présente le butin du vol aux autres, mais, dans le cas contraire, il assume les conséquences de son acte tout seul. Cette façon de procéder mettrait à l’abri les autres membres du groupe au cas où les officiers de police judiciaire mettraient la main sur un des membres.
Les parcours délinquants des adolescents indiquent une corrélation entre les problèmes sociaux et la commission des infractions. Par ailleurs, une fois appréhendés, les adolescent·es suivent des trajectoires d’enfermement qui sont tantôt formelles, tantôt informelles.
Trajectoires d’enfermement : les chemins qui conduisent à la prison
La trajectoire d’enfermement des mineur·es incarcéré·es se comprend à travers la ligne socio-pénale et la relation de la personne mineure avec les acteurs formels et informels chargés de faire appliquer les règles et les normes. Ainsi, la ligne socio-pénale se définit par la trajectoire judiciaire de la personne mineure et son interaction avec les acteurs du contrôle social, notamment les « entrepreneurs de morale ». Cette ligne met en lumière l’évolution pénale du jeune délinquant. Dans le cadre de la présente enquête, la ligne socio-pénale a consisté à explorer avec les mineurs·es les éléments suivants : le rapport transgression/répression, les relations avec les autorités sociales et judiciaires (éducateurs, police, justice, « koglweogos »), la vision de l’effet et du sens de la détention, les critiques du système pénal et pénitentiaire. Parlant des « Koglweogos », Hagberg (2019 : 66) souligne que : « Le terme « Koglweogo » est en langue mooré et veut dire : Kogle (« surveiller », « garder ») et weogo (« brousse »). À partir de 2015, les Koglweogos ont connu une expansion dramatique en réponse aux insécurités multiples ». L’intervention des Koglweogos dans la trajectoire pénale des mineur·es s’explique par le fait que, dans les grandes villes, les populations ont confiance à ces initiatives communautaires de sécurité, qui du reste, sont informelles. Ainsi, en remettant les délinquants à ces derniers qui procèdent par des arrangements pour récupérer les biens volés ou réparer le préjudice, ils ont acquis une certaine légitimité aux yeux des populations (nous y reviendrons plus loin à la section « Des koglweogos à la gendarmerie »). Les travaux de Bagayoko et Savadogo (2022) montrent qu’en dehors de l’armée, l’importance de la police et de la gendarmerie dans la sécurité intérieure burkinabé est indéniable. D’ailleurs, en plus des différentes missions que leur confère la loi, la gendarmerie et la police au Burkina Faso sont chargées de constater et de préparer les enquêtes préliminaires pour les procédures judiciaires en matière d’infraction à la loi pénale. Cela explique la place et le rôle de ces institutions dans les trajectoires d’enfermements des mineur·es.
Ainsi, les mineur·es incarcéré·es ont suivi des trajectoires pénales qui les ont conduits en prison. Il s’agit alors de reconstituer le schéma type de la trajectoire d’un·e mineur·e appréhendé par les Koglweogos ou les Officiers de police judiciaire (OPJ). C’est dans cette optique que nous avons choisi d’exposer et d’analyser les trajectoires socio-pénales de trois mineurs « MIM10 » ; « MIM12 » ; « MIM13 » incarcérés à la MACO, afin d’illustrer la diversité des parcours et des facteurs qui sous-tendent leur incarcération.
De la gendarmerie à la MACO
Le mineur « MIM10 » a été transféré de la Gendarmerie au Parquet du Procureur du Faso après avoir passé six jours en garde à vue, un délai excédant la limite légale prescrite par le code de procédure pénale, qui fixe la durée maximale de garde à vue à trois jours pour les mineur·es âgé·es de seize à dix-huit ans. Cette irrégularité procédurale soulève des interrogations quant au respect des droits fondamentaux des mineur·es en conflit avec la loi. « MIM10 » (prévenu, 17 ans, présumé auteur d’agression et de blessures volontaires sur autrui, incarcéré depuis huit mois) nous livre le récit suivant :
Je suis arrivé à la gendarmerie la nuit. On m’a alors menotté et me faire asseoir, ils m’ont demandé si je fume la cigarette, j’ai répondu non. […] J’ai été menotté jusqu’au lendemain matin. Six jours plus tard, ils m’ont fait sortir et me dire de porter mes habits. Ils m’ont conduit au palais et c’est le soir qu’ils nous ont conduits ici après que le juge m’a écouté (MIM10).
Toutefois, contrairement à de nombreux cas similaires, « MIM10 » n’a pas été soumis à des sévices corporels ni à des actes de torture. Cette exception pourrait s’expliquer par l’intervention d’un facteur relationnel non négligeable : le mineur aurait été conduit à la Gendarmerie par son grand frère, lui-même gendarme, ce qui aurait pu influencer le traitement qui lui a été réservé.
De la police au palais de justice
Un détenu mineur, identifié sous le code « MIM12 » (inculpé, 17 ans, de vol par effraction de téléphones portables et d’une arme à feu, incarcéré depuis deux mois), nous livre le récit suivant :
Quand ils m’ont amené au commissariat, bon, on a été frappé et ils nous ont demandé si on n’a pas utilisé l’arme ; on a répondu que non. Ils nous ont frappés avec la cordelette, ils nous ont laissés là-bas deux semaines. Un matin ils nous ont fait sortir et nous ont amenés au palais ; on a échangé avec le Procureur du Faso (MIM12).
Le mineur « MIM12 » a été initialement placé en garde à vue au commissariat de police avant d’être présenté devant le Parquet du Procureur du Faso, deux semaines plus tard. Cette situation révèle une violation manifeste des dispositions légales encadrant la garde à vue des mineur·es, dont la durée maximale prévue par la procédure pénale n’a pas été respectée. Par ailleurs, « MIM12 » rapporte avoir été détenu en compagnie de personnes majeures, en contradiction avec les principes fondamentaux de la justice des mineur·es, qui imposent une séparation stricte entre détenus mineur·es et adultes afin de prévenir toute influence négative ou exposition à des violences. À cette irrégularité s’ajoute un fait encore plus préoccupant : le mineur affirme avoir subi des sévices corporels au cours de sa détention, une pratique en totale violation des droits fondamentaux et des normes en matière de protection des enfants en conflit avec la loi.
Des koglweogos à la gendarmerie
Les Koglweogos, en particulier, illustrent cette volonté de préservation de l’ordre social, en incarnant une justice parallèle conservatrice et rigide, alors même que les normes sociales évoluent constamment. Ces groupes n’ont pas de compétences judiciaires et n’ont pas de formation en matière de respect des droits humains (Da Cunha Dupuy, 2019). On comprend pourquoi leur dynamique répressive, loin de favoriser l’amendement et la réinsertion sociale des mineur·es incarcéré·es, tend au contraire à renforcer la récidive et l’endurcissement des mineur·es. Leurs pratiques témoignent, dans une certaine mesure, de leur défiance à l’égard du système pénal. « MIM13 » (inculpé, 14 ans, présumé auteur de vol de motocyclette et incarcéré depuis quatre mois) nous livre le récit suivant :
Quand je me suis retourné, j’ai vu deux personnes qui me suivaient […]. Ils m’ont attrapé et mis des menottes, ils m’ont mis dans leur voiture. Une fois, dans la voiture j’ai vu mon ami qui était assis derrière. J’ai alors compris que ce sont les koglweogos. Ils ont continué avec nous dans leur base. On a fait cinq jours chez les koglweogos ; chez les gendarmes, on a fait 14 jours. C’est le quatorzième jour que nous avons été déférés au palais de justice. Chez les koglweogos, on a été battu même chez les gendarmes, on nous a frappés, mais c’est moindre par rapport au koglweogos (MIM13).
S’il existait un lien entre les Koglweogos et la police judiciaire, il serait de nature informel. D’ailleurs, les Koglweogos remettent les mineur·es à la police judiciaire même si, selon ce que les entretiens avec les acteurs de la chaine pénale ont révélé, il existe des tensions entre eux. L’analyse des trajectoires pénales des mineur·es incarcéré·es met en lumière un parcours marqué par le passage à travers des institutions aux statuts contrastés : tantôt officieuses et perçues comme légitimes, tantôt légales et formelles. Ces trajectoires les conduisent des groupes d’autodéfense appelés Koglweogos aux officiers de police judiciaire (police et gendarmerie), puis du Parquet du Procureur du Faso jusqu’à leur accueil par les surveillants de prison. L’examen de ces parcours révèle une violation systématique des délais légaux de garde à vue applicables aux mineur·es, traduisant un dysfonctionnement structurel dans le traitement judiciaire de ces jeunes en conflit avec la loi. Par ailleurs, la dimension pénale de leur trajectoire constitue en elle-même une source de souffrance et d’angoisse, exacerbant leur vulnérabilité et leur détresse psychologique. Face à ces expériences traumatisantes, nombre de mineur·es développent un profond ressentiment, voire un désir de revanche à l’égard des institutions judiciaires et sécuritaires. Comme en témoignent leurs récits, leurs interactions avec ces structures sont souvent marquées par des violences physiques et psychologiques exercées au nom d’une « entreprise de morale », dont l’action oscille entre contrôle social et répression.
Les expériences avec la police, la justice et le système pénal constituent une autre dimension essentielle de la ligne de sociabilité secondaire. Pour de nombreux mineur·es en détention, le premier contact avec ces institutions est souvent marqué par des expériences négatives, renforçant un sentiment de défiance et d’injustice. L’arrestation, la garde à vue et le passage devant les tribunaux sont autant d’étapes qui modifient leur rapport à l’autorité et alimentent parfois une identité délinquante. Certains mineur·es développent une perception hostile de ces institutions, les considérant non pas comme des structures de protection, mais comme des mécanismes de répression qui contribuent à les marginaliser davantage. Par ailleurs, l’incarcération elle-même constitue un tournant majeur dans la trajectoire sociale des jeunes détenu·es. En les plongeant dans un univers où les codes de la prison prennent le pas sur les normes sociales classiques, l’incarcération favorise la formation de nouvelles sociabilités déviantes. Certains mineur·es perçoivent alors la prison comme un rite de passage, une étape presque inévitable dans leur construction identitaire, ce qui complexifie leur processus de réinsertion future.
Expériences carcérales et socialisation en détention
Les premières expériences de la détention constituent des événements marquants, dont l’empreinte psychologique peut perdurer tout au long de la vie de la personne (Albrand, 2012). À travers ces vécus, il apparaît que les représentations sociales négatives associées à l’univers carcéral ne relèvent pas d’une simple construction symbolique, mais traduisent une réalité tangible pour la majorité des personnes enquêtées. En effet, la prison est perçue non seulement comme un espace de stigmatisation, mais également comme un lieu de violence et d’insécurité, particulièrement sur le plan physique. Cette exposition constante à un environnement hostile favorise l’émergence de divers troubles psychologiques tout au long du processus d’incarcération, affectant profondément le développement personnel et social des mineur·es détenus. Cette section se propose d’examiner ces premières expériences de l’enfermement et d’en analyser les répercussions sur la trajectoire des jeunes incarcérés. À cette fin, nous avons choisi d’exposer et d’étudier les parcours initiaux de détention de quatre mineur·es emprisonné·es à la MACO, afin de mieux saisir l’impact de l’incarcération sur leur construction identitaire et leur rapport à la société.
La tristesse et la détention
L’incarcération constitue une étape charnière au cours de laquelle la personne délinquante prend pleinement conscience de sa nouvelle réalité carcérale. Ce basculement vers un univers répressif s’accompagne généralement d’un profond sentiment de désarroi et de tristesse. Une telle expérience a été vécue par « MIM10 ». Bien que ce dernier ait été averti des conditions particulièrement éprouvantes de détention à la MACO, il n’a pu échapper à l’impact dissuasif inhérent à l’univers carcéral. « MIM10 » (17 ans, inculpé pour agression et blessures volontaires sur autrui, huit mois d’incarcération) nous livre le récit suivant :
Bon, quand j’étais dehors et on parlait de la MACO, je trouvais que ce n’était pas du jeu. Lorsque, je suis arrivé, ici, j’ai compris effectivement que ce n’était pas de l’amusement, mais ça va. […] Quand je suis arrivé nouvellement à la MACO, j’étais triste. Le premier jour j’étais carrément découragé, mes parents sont venus le lendemain pour me rendre visite ; ils m’ont conseillé en disant de ne pas être triste (MIM10).
Ainsi, en prison, il n’est pas rare de retrouver des personnes dans des situations complexes de vulnérabilité aggravées sans doute par l’incarcération. Les mineur·es du quartier sont représentatifs de cette vulnérabilité physique et sociale. C’est pourquoi, Laurencin (2015, p. 5) affirme que : « L’écrou, l’enfermement et le quotidien de la vie carcérale représentent des évènements stressants, parfois constitutifs de véritables traumatismes psychoaffectifs ». À travers, les premières expériences en détention, l’on s’aperçoit que les différentes représentations négatives de la prison dans la société burkinabè sont ressenties par la plupart des mineur·es. La prison comme lieu de stigmatisation (Korbeogo, 2014), de violence et d’insécurité entraîne l’apparition de différents types de troubles d’ordre psychologique chez les mineur·es tout au long de leur processus d’incarcération.
Un moment d’introspection et de réflexion
L’insouciance généralement associée à la jeunesse délinquante laisse place à une introspection profonde au moment de l’incarcération. Toutefois, au-delà de ces tourments psychologiques, l’effet dissuasif et la fonction disciplinaire recherchés par l’enfermement ne se concrétisent pas nécessairement. « MIM13 » (14 ans, inculpé pour vol de motocyclette et incarcéré depuis quatre mois à la MACO) partage son expérience en ces termes :
Ha ! Les pensées se bousculaient dans ma tête. Tu peux être assis, seul, sans personne à qui parler. Plus tu restes là, plus tu réfléchis, jusqu’à ce que des idées sombres te traversent l’esprit. La prison, c’est ça aussi : un inconnu peut arriver, quelqu’un que tu n’as jamais croisé dehors, et pourtant, ici, tu dois composer avec lui. […] Tu vois, la prison peut endurcir un homme. Tu peux y entrer sans mauvaises intentions, mais les autres détenus finiront par t’insuffler des idées (MIM13).
Le témoignage de « MIM13 » met en lumière un paradoxe fondamental de l’expérience carcérale. En effet, la prison, loin d’être un simple lieu de redressement, peut également devenir un espace de socialisation criminelle, favorisant un processus d’endurcissement aussi bien chez les mineur·es que chez les adultes. Ainsi, on constate que les interventions du service social de l’institution et des intervenants pénitentiaires pour apporter une prise en charge psychosociale (entretien individuel, assistance psychologique, causeries éducatives) restent insuffisantes. Dès lors, la question de l’impact réel de la détention sur la réhabilitation des mineur·es demeure pleinement posée.
Quand la peur et les pleurs se mêlent au chagrin
L’expérience de détention de « MIM5 » illustre de manière poignante la peur qui caractérise les premières étapes de l’incarcération des mineur·es. Cette peur s’explique en grande partie par les perceptions sociales des conditions de détention à la MACO, largement empreintes de violence et de danger. « MIM5 » (inculpé, 17 ans, auteur présumé de viol et incarcéré depuis huit mois à la MACO), nous confie :
Je pensais trop. La nuit, je n’arrivais pas à dormir, je restais là, assis, simplement en train de pleurer. Je pleurais sans raison apparente. Le premier jour, la peur m’a envahi. J’ai eu une peur profonde, car des gens m’avaient dit qu’à la MACO, il y avait des bandits notoires, des criminels capables de te frapper, voire de te tuer. C’est pour cela que j’ai eu peur et que j’ai commencé à pleurer (MIM5).
Ainsi, la prison telle qu’elle est perçue dans la société burkinabè serait un lieu où la dissuasion par la terreur est omniprésente. Cela s’explique par différents discours émanant des délinquant·es et des personnes gravitant autour de l’institution. D’ailleurs, cette situation renforce les missions de dissuasions assignées à la prison. Toutefois, pour les mineur·es incarcéré·es, cette peur initiale, bien que vive et immédiate, se révèle être une étape transitoire. À mesure qu’ils et elles prennent conscience de leur réalité carcérale, des stratégies d’adaptation (formations de groupes d’appartenances, intégration des ateliers de formation) commencent à émerger, permettant aux jeunes détenu·es de naviguer dans ce monde hostile.
L’ombre de la victime hante le sommeil de l’auteur
L’incarcération modifie l’activité onirique habituelle, l’introspection et le désir de modifier le cours des choses est sans doute à l’origine des rêves chez certains détenus. À cette réalité s’ajoute l’insuffisance des activités sportives et culturelles qui augmentent la sensation d’ennui, le vide et la tentation de vouloir dormir toute la journée. D’ailleurs, Laurencin (2015 : 8) ajoute à propos des personnes incarcérées que : « Le corps est malmené : manque d’activités physiques, mauvaise alimentation, abus de tabac et autres substances psychoactives licites ou non, confinement dans des espaces réduits, modifications du vécu sensoriel (restriction du champ de vision et développement de l’acuité auditive ». Les cauchemars au cours de l’incarcération au quartier des mineur·es sont une réalité. Le détenu mineur « MIM9 » (inculpé, 16 ans, auteur présumé d’homicide involontaire, incarcéré depuis 11 mois à la MACO) nous livre le témoignage suivant : « Lorsque je suis arrivé à la MACO, je faisais beaucoup de rêves. Je voyais le défunt dans mes songes. Il est vrai que j’ai commis l’acte, mais après coup, moi-même, je ressens un profond regret. Je regrette amèrement, car je n’aurais jamais dû commettre cet acte » (MIM9). Les expériences de détention des mineur·es révèlent des états émotionnels et psychologiques profonds, allant du découragement à la tristesse, en passant par les regrets, les pleurs, la peur et les cauchemars.
Ces manifestations, omniprésentes dans les premières étapes de leur incarcération à la MACO, font partie des réalités vécues par la majorité des mineur·es. Pour faire face à cette dure réalité, une solidarité naît entre les anciens détenus et les nouveaux arrivants, consolidant un réseau de soutien mutuel au sein de l’univers carcéral. En outre, dès les premières visites, certains mineur·es reçoivent aussi des conseils de leurs proches, contribuant à leur résilience dans un environnement inhospitalier. Il ressort de nos constats que la majorité des mineur·es, une fois incarcérés, ont éprouvé des troubles psychologiques en grande partie liés à leurs perceptions sociales du milieu carcéral avant leur incarcération. Cela occasionne des adaptations qu’ils soient primaires ou secondaires (Goffman, 1968). Ainsi, on comprend que la prisonniérisation commence dès les premiers instants, avec des effets durables et profondément marquants sur les mineur·es incarcéré·es.
L’éducation comme un rempart à la prisonniérisation
Sur les vingt mineur·es enquêté·es à la maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou, 13 ont poursuivi un cursus scolaire tandis que sept n’ont pas été inscrit·es à l’école. Parmi les 13 enquêté·es, le plus bas niveau scolaire est le cours élémentaire deuxième année (CE2) et le niveau le plus élevé est la classe de seconde (second cycle de l’enseignement secondaire). De façon spécifique, sept mineur·es ont le niveau du primaire, cinq mineur·es ont le niveau du collège (premier cycle du secondaire) et un mineur a le niveau de lycée (deuxième cycle du secondaire). Cette situation, même si elle ne rend pas compte des réalités éducatives de l’ensemble des mineur·es incarcéré·es dans les prisons burkinabè, interpelle sur l’importance de l’éducation formelle dans les établissements pénitentiaires. Une réinsertion sociale durable des mineur·es ne peut oblitérer des programmes types en matière d’éducation dans les prisons. Ainsi, les programmes de réinsertion des mineur·es en détention sont censés jouer un rôle crucial dans leur réhabilitation et leur réintégration dans la société. Certes, il y a bien quelques programmes de formation professionnelle et d’éducation non formelle à la maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou. Il s’agit de la menuiserie, de la mécanique, du tissage, de la couture et de l’alphabétisation. Toutefois, ces programmes ne sont pas systématiquement accessibles à tous les mineur·es en détention (Thieni, 2025). Dans la réalité, ces programmes rencontrent de nombreuses limites qui entravent leur efficacité. L’absence de structures d’accompagnement adaptées et de stratégies de prévention efficaces accentue cette situation, rendant ainsi la réinsertion sociale difficile, voire quasi impossible pour de nombreuses personnes mineures.
Par ailleurs, les centres d’éducation et de réinsertion, comme le Centre de Laye, le Centre d’éducation et de réinsertion sociale des mineurs en conflit avec la loi (CERMICOL), le Centre de Gampela ou le Centre de Orodara, bien qu’ils fonctionnent, sont souvent mal équipés et sous-financés. En conséquence, les mineur·es sont souvent libéré·es sans suivi social ou professionnel adéquat, ce qui les rend vulnérables à la récidive. De plus, la stigmatisation sociale, le manque d’accompagnement psychologique et les obstacles économiques rendent la réinsertion des mineur·es particulièrement complexe. Le manque de coopération entre les institutions judiciaires, les autorités locales et les ONG accentue encore ces problèmes. Ainsi, la principale limite des politiques actuelles de réinsertion réside dans l’insuffisance des ressources et la non-application systématique des alternatives à la détention. De ce fait, il est crucial de développer et d’intensifier des alternatives à l’incarcération, en particulier pour les jeunes dont les comportements sont principalement le reflet de conditions socio-économiques difficiles et de facteurs environnementaux négatifs. La prise en compte des spécificités de cette population vulnérable, la mise en place de mécanismes de soutien psychologique, l’optimisation et une meilleure structuration des ateliers d’apprentissage du quartier pour mineurs ainsi que la création des programmes éducatifs formels en prison sont des pistes intéressantes à explorer. Nous reviendrons en détail dans la section Perspectives et conclusion sur les stratégies à même d’impacter positivement la réinsertion sociale des mineur·es au Burkina Faso.
Analyse des parcours de vie et des trajectoires délinquantes des mineur·es incarcéré·es
L’analyse des parcours individuels et des dynamiques sociales a mis en lumière des éléments essentiels qui sous-tendent les actes de déviance des mineur·es, ainsi que les impacts psychologiques et sociaux de leur incarcération. À travers les récits des mineur·es, il est apparu que la délinquance juvénile ne résulte pas d’un facteur isolé, mais de la convergence de multiples influences sociales, familiales et économiques. L’étude a révélé une forte relation entre les conditions de vie précaires et l’appartenance à des groupes déviants. Ces éléments ont souvent agi comme des catalyseurs dans l’initiation et la consolidation des comportements délinquants, alimentés par une recherche d’identité et de reconnaissance dans un contexte marqué par la pauvreté et l’exclusion sociale.
Les trajectoires délinquantes des mineur·es incarcéré·es à la MACO suivent des parcours qui oscillent entre structures légales et informelles, allant de l’influence des groupes d’auto-défense, comme les Kogleweogos, à l’intervention des forces de l’ordre, telles que la police et la gendarmerie. Il est intéressant de noter que ces trajectoires pénales sont souvent marquées par des étapes traumatisantes, telles que des détentions dans des conditions difficiles et des procédures pénales problématiques, qui contribuent à renforcer le sentiment de marginalisation et de rébellion chez les jeunes délinquant·es.
La prison, loin de jouer un rôle dissuasif, semble, pour beaucoup, accentuer leur processus de radicalisation et de durcissement psychologique. En effet, les témoignages recueillis au cours des entretiens ont illustré que les mineur·es, loin de se soumettre à un processus de réinsertion, subissent davantage des formes d’adaptation, qui pourraient dans certains cas impacter négativement leurs personnalités et leurs comportements. La peur, le regret et les remords exprimés par certains mineur·es lors de leur incarcération sont des indices d’une confrontation douloureuse avec leur propre identité délinquante, mais également des signes de leur vulnérabilité psychologique face à un système pénal qui ne semble pas toujours apte à répondre aux besoins spécifiques des jeunes détenus. En outre, la solidarité entre les personnes détenues, qu’elles soient nouvelles ou anciennes, apparaît comme un mécanisme d’adaptation dans ce milieu hostile. Cette solidarité, bien qu’elle offre un soutien immédiat, ne fait souvent qu’aggraver les comportements déviants à long terme, en renforçant les liens entre individus ayant une histoire commune de marginalisation et de violence.
Perspectives et conclusion
La réinsertion des jeunes détenu·es est un processus complexe qui nécessite une approche globale et pluridisciplinaire. Plusieurs stratégies peuvent être mises en place pour faciliter cette réinsertion. Au titre des stratégies éducatives, des programmes éducatifs formels ou informels adaptés aux besoins des mineur·es en détention sont cruciaux pour leur réinsertion. Il s’agit de leur donner les outils nécessaires pour reconstruire leur avenir, notamment en mettant aussi l’accent sur l’enseignement scolaire qui est inexistant pour le moment dans les quartiers pour mineur·es ainsi que dans la plupart des centres de réinsertion sociale dans lesquels sont placés les mineur·es. Puis, il faut œuvrer à encourager l’autonomie des mineur·es à travers la mise en place des ateliers de gestion de projet, des formations à la citoyenneté et des activités d’expression personnelle (sport, art, etc.) qui peuvent réduire les risques de récidive. Pour les stratégies de soutien psychologique, l’accompagnement psychologique avant, pendant et après la détention est essentiel pour permettre aux jeunes de surmonter les traumatismes de l’incarcération et d’identifier les mécanismes de résilience à mettre en place. Ainsi, la mise en place de groupes de parole peut être un espace de catharsis et de réflexion pour les jeunes détenu·es, leur permettant d’exprimer leurs émotions et leurs regrets, tout en les aidant à construire un nouveau projet de vie. En outre, les stratégies d’intégration sociale et professionnelle à travers des programmes de réinsertion post-carcérale permettent à la sortie de prison de maintenir un suivi régulier pour aider les jeunes à se réadapter à la vie sociale et professionnelle. Les programmes de formation, d’orientation professionnelle, ainsi que l’accès à des métiers adaptés, sont des leviers cruciaux pour éviter la récidive. Aussi, il faut encourager l’entrepreneuriat, car, en l’absence d’emplois formels, il est important que les jeunes sortants de prison aient des offres de formations en gestion d’entreprise et des financements de microprojets. De telles initiatives contribueraient à transformer la prison en un lieu où les jeunes délinquant·es peuvent réellement se réhabiliter, apprendre de nouvelles compétences et se préparer à réintégrer la société de manière positive.
En conclusion, l’enquête à la maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou (MACO) a permis d’explorer les influences des problèmes sociaux sur les parcours délinquants des mineur·es ainsi que les premières expériences de l’incarcération des mineur·es. En somme, nous avons mis en lumière l’importance de considérer les trajectoires délinquantes des mineur·es sous un angle global, en tenant compte de l’interaction entre les facteurs sociaux, économiques et psychologiques. L’analyse de la sociabilité secondaire permet de comprendre que la trajectoire délinquante ne découle pas d’un choix individuel isolé, mais s’inscrit dans une dynamique sociale complexe, façonnée par des interactions successives avec l’environnement familial, scolaire, institutionnel et déviant. Les mineur·es incarcéré·es ont souvent connu des parcours marqués par des ruptures précoces avec leurs familles, une exposition à la précarité et une socialisation qui les ont progressivement éloignés des normes conventionnelles. Les groupes de pairs, les échecs scolaires et les interactions avec les institutions de contrôle ont contribué à redéfinir leur rapport à la société et à eux-mêmes, influençant ainsi leurs conduites délinquantes. Face à ces constats, une réflexion approfondie s’impose sur les mécanismes de prévention, d’accompagnement et de réinsertion sociale, afin de briser les cycles de la délinquance juvénile et de proposer des alternatives viables aux jeunes en situation de vulnérabilité. La prise en compte de ces réalités est essentielle pour envisager une justice juvénile plus efficace, centrée sur la protection, l’éducation et la réhabilitation des mineur·es en conflit avec la loi.
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Notes
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- Il s’agit d’un bâtiment de détention à niveau. Les responsables affirment que le bâtiment aurait été réceptionné en 1964. Compte tenu du fait qu’il est le plus grand bâtiment de détention, les personnes détenues l’ont surnommé « bateau ». ↩︎
- Voir : https://lefaso.net/spip.php?article82011. ↩︎
- Voir : Burkina : Le ministère de la femme condamne une scène de viol filmée et diffusée sur les réseaux sociaux. https://lefaso.net/spip.php?article81957. ↩︎
- Lankoandé, E. (2022). Mobile money au Burkina : Une activité qui comporte des risques, certes, mais profite à l’économie. Radars Info Burkina. https://www.radarsburkina.net/index.php/fr/societe/3129-mobile-money-au-burkina-une-activite-qui-comporte-des-risques-certes-mais-profite-a-l-economie ↩︎
- Voir Cambriolages et insécurité : Des réveils douloureux pour les Ouagalais. https://lefaso.net/spip.php?article22426. ↩︎
- Les données de cet annuaire statistique ont été collectées par les services de la police et de la gendarmerie nationale. ↩︎
- Depuis 2015, le Burkina Faso fait face à des attaques terroristes occasionnant de nombreuses pertes en vie humaine et des déplacements massifs de population. ↩︎
Auteur
Hama Thieni
Université Joseph KI-ZERBO
Groupe de Recherche sur les Initiatives Locales (GRIL)
thienihama@gmail.com
Orcid : https://orcid.org/0009-0000-8275-5308
Pour citer cet article
Thieni, H. (2025). Parcours, expériences carcérales et défis éducationnels des mineur·es incarcéré·es à la Maison d’Arrêt et de Correction de Ouagadougou (MACO)/Burkina Faso. Apprendre + Agir, édition spéciale 2025, Apprendre et se transformer : pratiques et perspectives internationales sur l’éducation en prison. https://icea-apprendreagir.ca/parcours-experiences-carcerales-et-defis-educationnels-des-mineur%c2%b7es-incarcere%c2%b7es-a-la-maison-darret-et-de-correction-de-ouagadougou-maco-burkina-faso/